Sénégal: l’opposant Sonko encerclé chez lui dans un climat de tension préélectorale

"Soit on nous laisse manifester et le pays sera en paix, soit il faudra tous nous arrêter", a déclaré Ousmane Sonko.

Des policiers sénégalais ont encerclé vendredi le leader de l’opposition Ousmane Sonko chez lui à Dakar après son appel à défier une interdiction de manifester le même jour dans un climat de tension préélectorale grandissante, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Des policiers en tenue antiémeute et des barrières ont été disposés en travers des routes menant à son domicile dans un quartier cossu de la capitale. Des partisans de M. Sonko qui tentaient de se rendre chez lui ont reçu l’instruction ferme de faire demi-tour.

Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent M. Sonko, en casquette et polo, parlementant calmement avec les policiers et obtenant sans éclat qu’ils laissent passer un véhicule emmenant semble-t-il son fils à l’école.

“Tout ce dispositif est à lui seul une raison de manifester, on n’est plus en démocratie”, a affirmé M. Sonko. “J’ai dû accompagner ma femme pour qu’elle puisse sortir et ma bonne a été bloquée à l’entrée alors qu’elle venait du marché”, a-t-il expliqué.

Le pouvoir cède à la “panique“, a assuré M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019, candidat déclaré à celle de 2024 et personnalité populaire chez les jeunes.

L’opposition a appelé à manifester vendredi après-midi contre l’invalidation d’une liste nationale de candidats aux législatives du 31 juillet, et plus largement contre le pouvoir.

Cette invalidation écarte de la compétition M. Sonko et certaines figures d’opposition.

Le préfet a interdit la manifestation en invoquant les “menaces de troubles à l’ordre public”. M. Sonko et les chefs de sa coalition ont annoncé leur intention de braver l’arrêté et ont appelé à manifester massivement.

“La manifestation est maintenue, elle aura bel et bien lieu”, a assuré à l’AFP Ousseynou Ly, porte-parole du parti de M. Sonko, le Pastef.

De nombreuses voix se sont élevées pour appeler au dialogue face au risque de violences semblables aux émeutes qui, en mars 2021, avaient fait une douzaine de morts dans le pays.

– “Le Conseil a décidé” –

Le pouvoir et l’opposition n’ont donné aucun signe de vouloir transiger et les analystes politiques conviennent généralement d’une impasse politique.

M. Sonko et l’opposition dénoncent l’invalidation de la liste nationale de la coalition Yewwi Askan Wi comme un stratagème du président Macky Sall pour écarter ses adversaires sous couvert de moyens légaux.

Le ministère de l’Intérieur a invalidé la liste de M. Sonko en invoquant l’inégibilité d’une de ses candidates, figurant par inadvertance à la fois parmi les titulaires et les suppléants. Le Conseil constitutionnel a confirmé.

L’opposition a menacé d’empêcher la tenue des élections si Yewwi Askan Wi n’y participe pas. En fait, Yewwi peut toujours concourir, mais pas M. Sonko.

Les Sénégalais élisent leurs 150 députés selon un mode qui panache scrutin proportionnel avec des listes nationales pour 53 parlementaires, et scrutin majoritaire dans les départements pour 97 autres. La diaspora élit 15 députés.

C’est la liste nationale des titulaires de Yewwi qui est rejetée. Mais la coalition peut participer avec la liste des suppléants et avec ses candidats dans les départements.

Le président Sall a fermé la porte à un repêchage de la liste invalidée. “De toute façon, le pays va faire ces élections, le Conseil constitutionnel a décidé”, a-t-il déclaré.

La mise en cause de M. Sonko par la justice dans une affaire de viols présumés avait contribué en mars 2021 à plusieurs jours d’émeutes, de pillages et de destructions.

Deux autres adversaires du président, l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall (sans lien de parenté) et l’ancien ministre Karim Wade, fils d’ex-président, ont vu leur trajectoire interrompue par les ennuis judiciaires.

Le pouvoir se défend de toute instrumentalisation de l’appareil d’Etat.