« Le drame de l’Afrique c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire… » Cette boutade d’un responsable politique de premier plan avait en son temps, c’est-à-dire le 26 juillet 2007, soulevé une vague d’émotions suivie de torrents d’indignations. Si certains trouvaient ces propos discourtois à l’endroit de la mère des civilisations, d’autres les qualifiaient purement et simplement de nihilistes. Un courroux tout à fait justifié, au regard de ce que l’Afrique a apporté et continue d’apporter à l’humanité en termes de sciences, de morale et de richesses matérielles.
Sauf qu’en élargissant le champ d’observation ébauché par cette tirade intentionnellement irrévérencieuse, l’on s’aperçoit de l’existence d’un domaine d’activité dans lequel l’homme africain se refuse volontairement d’exceller. Il s’agit de la guerre en tant que mode de règlement des litiges. Certes, notre continent a connu et connaît de temps à autre et de-ci de-là quelques poussées de fièvre intercommunautaires, mais avec leurs lances, leurs flèches, leurs arbalètes, leurs machettes et autres armes à feu de fabrication traditionnelle, nos guerres tribales dont le bilan dépasse rarement quelques dizaines de morts ne sont pas près de sortir de la préhistoire.
C’est peut-être cette avarice dans la barbarie et l’effusion de sang qui nous est querellée ? Car l’homme africain n’est à l’origine ni de la charitable traite négrière, ni de la colonisation aux vertus salvatrices. Le coût humain de ces deux missions humanitaires s’élève pourtant à quelques millions de morts, sans parler de l’effacement de l’identité culturelle de plusieurs millions d’autres humains marchandisés. Des performances exceptionnelles qui seront vite dépassées d’abord par la première guerre mondiale avec sa vingtaine de millions de morts en à peine quatre années , puis la seconde guerre mondiale affichant quatre-vingts millions de morts en un peu moins de six ans. En attendant mieux.
Le mobile de ces tragédies à répétition restées dans l’histoire, est à chercher du côté de l’ambition de puissance et de domination nourrie par quelques représentants d’une certaine opinion. Une ambition oralement exprimée par la diabolisation et l’incitation à la haine de l’autre. Une ambition traduite en actes par les armes. À l’aide de narratifs construits avec de fausses vérités et de vrais mensonges, l’intelligence des individus, des communautés et des peuples entiers est inhibée, l’instinct de conservation est exacerbé, et avec lui, les pulsions d’agressivité. Ce stratagème a convaincu des africains d’aller se battre et mourir en terres étrangères, pour des causes qui n’étaient pas les leurs.
Ce même mode d’emploi dont on connaît le potentiel de désastre, fait dangereusement surface dans de plus en plus de discours tenus chez nous. De plus en plus se répand l’usage de l’outrance verbale, l’incivisme en société, l’imputation diffamatoire et la stigmatisation. Un comble, une aberration pour nos peuples génétiquement marqués par la tempérance et l’esprit de la palabre réconciliatrice. Car tout bien pesé, rien, mais alors rien ne nous oblige à nous laisser contaminer par les bellicistes suprémacistes qui se targuent de disposer d’armes de destruction de plus en plus massive. Et si c’est la raison pour laquelle l’homme africain ne rentre toujours pas assez dans l’histoire, leur histoire, eh bien, cette histoire-là … tant pis !
Nous écrivons au quotidien nous-mêmes notre histoire, faite de concertation et non de confrontation, de partage et non d’accaparement. Une histoire africaine, faite de fraternité et de solidarité.