Pour sa toute première visite officielle à Pyongyang, en 24 ans, le président russe Vladimir Poutine a été accueilli avec les honneurs par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
Le 19 juin, les deux pays ont conclu un Traité de partenariat stratégique global. Le document, comportant 23 articles, est sans limite de durée.
En cas de menace d’agression directe contre l’une des parties, Moscou et Pyongyang conviendront des mesures pratiques possibles pour coordonner leurs positions respectives. En outre, la Russie et la Corée du nord coopéreront pour éliminer une telle menace.
«Si l’une des parties est soumise à une attaque armée par un ou plusieurs États et se retrouve en état de guerre, l’autre partie fournira immédiatement une assistance militaire et autre par tous les moyens à sa disposition et conformément aux lois de la Fédération de Russie et de la Corée du Nord et à l’article 51 de la Charte des Nations unies», stipule l’article 4 du traité.
En outre, la Russie n’exclut pas la coopération militaro-technique avec la Corée du Nord. Vladimir Poutine a qualifié le nouveau traité de «document perforant» car il reflète le désir des deux pays d’élever les relations à un nouveau niveau qualitatif.
La Russie et la Corée du Nord cherchent à instaurer une stabilité stratégique mondiale et un nouvel ordre international juste, selon l’article 2 du traité. À cette fin, les deux parties «maintiendront une communication étroite l’une avec l’autre et renforceront la coopération stratégique et tactique».
Kim Jong Un, pour sa part, a assuré que l’accord est de nature pacifique et défensive et visait à construire un monde multipolaire.
Outre le domaine militaire, le traité suppose le développement de la coopération entre la Russie et la Corée du Nord dans les domaines de l’économie, de la politique et de la culture. Le dirigeant nord-coréen est certain que le traité témoigne du «niveau élevé des relations alliées» des deux pays.
Comme l’a déclaré l’assistant présidentiel russe, Iouri Ouchakov, le traité signé remplacera les trois précédents qui ont été conclus entre Moscou et Pyongyang plus tôt. Il s’agit notamment du Traité d’amitié, de coopération et d’entraide judiciaire de 1961 et du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération de 2000, ainsi que de la Déclaration de Moscou de 2001. Le premier a fourni une assistance militaire en cas de conflit entre l’un des États et les pays tiers. À partir de 1996, les ministères des Affaires étrangères des deux pays ont échangé des notes qui ont déclaré que le traité «permet son sens» et mais qu’il «n’est,en fait, pas appliqué». Dans le document de 2000, il est seulement dit qu’en cas de danger d’agression contre l’une des parties ou d’une situation qui menace la paix et la sécurité… les parties entreront immédiatement en contact les unes avec les autres.
Le président russe a déclaré que les pays auront une coopération en matière de sécurité. Il convient de rappeler que le président russe s’est rendu en Chine à la mi-mai, et par conséquent, pour Pékin, l’accord entre la RPDC et la Russie, très probablement, n’a pas été une surprise. Aujourd’hui, en Asie du Nord-Est, la Russie et la Chine sont soumises à des pressions de la part des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, et un tel équilibre de pouvoir actuel exigeait un accord entre Moscou et Pyongyang.
Très probablement, le traité avec la RPDC a été discuté par Vladimir Poutine en mai à Beijing. Il semble exister une sorte de division des rôles entre Pékin et Moscou: la Chine a encore quelque chose à perdre car elle n’est pas soumise à une telle pression de sanctions et reste sa diplomatie active avec la Corée du Sud et le Japon. La Russie, bien que, conservant certains contacts avec Séoul, peut encore plus se permettre un partenariat avec la Corée du Nord. Valable depuis 1961, le traité entre Pékin et Pyongyang pourrait être considéré plutôt comme un héritage de la guerre froide, et la République populaire de Chine (RPC) avait une rhétorique sur le fait qu’il y serait observé si Pyongyang ne provoquait pas d’abord une attaque de pays tiers.
Au cours de son discours aux médias, Vladimir Poutine a rappelé les déclarations des représentants des États-Unis et d’autres pays de l’OTAN concernant la fourniture d’armes à longue portée, de chasseurs F-16 et d’autres armes à l’Ukraine pour des frappes sur le territoire de la Russie.
Il a qualifié ces mesures de «violation flagrante des restrictions imposées par les pays occidentaux dans le cadre de diverses obligations internationales». Il ajoute que ni la Russie ni la Corée du Nord n’acceptent le langage du chantage et de la dictature. Dans le même temps, Moscou estime que le régime de sanctions des États-Unis lancé par les Washington contre la RPDC devrait être révisé. Désormais, de la part de Séoul, une attitude zélée et une préoccupation quant aux problèmes de sécurité se manifestent. Le renforcement des liens au sein du triangle entre les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud devrait avoir lieu.
Moscou devrait, d’abord, mener à bien le travail nécessaire pour lever les sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies contre Pyongyang qui restreignent maintenant l’éventuelle coopération militaro-technique.
Les observateurs ne pensent pas que la Russie fournira activement quoi que ce soit à la RPDC tant que la Corée du Sud et le Japon n’auront pas directement envoyé d’armes en Ukraine. Mais, cette approche pourrait changer si l’Occident se dirige vers de nouvelles escalades. Dans le même temps, malgré les sanctions, Pyongyang a déjà soutenu la coopération militaro-technique avec un certain nombre de pays: son principal partenaire dans ce domaine est l’Iran, des armes nord-coréennes ont été utilisées dans la guerre en Syrie.
Théoriquement, il sera difficile de punir la Russie pour avoir violé les sanctions de l’ONU: au Conseil de sécurité de l’ONU, elle a le droit de veto, et les sanctions unilatérales des États-Unis ont déjà été imposées.