Les investisseurs dans les pays d’Afrique sont bien conscients des risques liés à leurs engagements sur ce continent riche en hydrocarbures, or, diamants, uranium et métaux des terres rares. Ces richesses sont quêtées par les investisseurs, mais aussi par les groupes islamistes armés et les bandits. C’est pour cela que les lieux d’extraction, de stockage, de transport et de traitement des ressources deviennent souvent des zones de menace terroriste accrue. Le contrôle de l’extraction de l’or et des diamants permet aux militants de se financer en partie. Ils commencent donc à entrer en concurrence avec les entreprises locales et étrangères pour obtenir des ressources. Alors que les milices nationales sont souvent mal formées et mal équipées, les investisseurs sont confrontés au problème aigu de la protection de leurs projets commerciaux.
La Chine a été confrontée à ce problème il y a une vingtaine d’années. Bien que des dizaines de milliers de militaires chinois aient servi en Afrique, le gouvernement chinois a rejeté l’idée d’utiliser largement l’armée pour protéger ses intérêts économiques sur le continent : l’utilisation de forces armées à l’étranger est, après tout, lourde de complications politiques.
Toutefois, en juillet 2017 Pékin a ouvert sa première base militaire à l’étranger dans la capitale somalienne, Djibouti. Mais ses objectifs sont essentiellement logistiques : protection des navires, sauvetage et opérations contre les pirates dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie. D’une manière générale, Djibouti est une sorte de « réserve » de bases militaires étrangères en Afrique de l’Est. La création de celle de la Chine n’a fait que marquer la présence de ce pays dans la Corne de l’Afrique.
Pour l’instant, la Chine se limite aux services de sociétés de sécurité privées. Parmi eux : Frontier Services Group, VSS Security Group, DeWe Security, Shandong Huawyi et autres. Ces entreprises sont spécialisées dans la sécurité des installations, l’escorte des convois et des navires, le contrôle de transit, la sécurité personnelle et les mesures techniques de sécurité, y compris la lutte contre les moyens techniques des services de renseignement. Elles sont autorisées à utiliser des armes létales. De cette manière, les entreprises protègent avec succès les intérêts des employeurs.
Mais les pays hôtes ont d’autres espoirs. Les états africains situés dans la zone d’activité économique de la Chine sont intéressés par des contingents militaires entraînés, capables de contrer les groupes militants armés, soit de manière indépendante ou en coopération avec les formations nationales. Les organisations qui sont en mesure de mener des opérations militaires actives aux niveaux tactique et opératif intéressent particulièrement les autorités locales. Ce travail doit s’accompagner d’une reconnaissance à l’aide de moyens techniques et de systèmes de frappe terrestres et aériens. Dans ce cas, la protection de la présence économique chinoise, bien que formellement prise en compte, est clairement reléguée à l’arrière-plan.
La pratique russe et internationale a montré l’efficacité des sociétés militaires privées (SMP) pour protéger les intérêts commerciaux et résoudre les problèmes politiques du pays hôte. Or, la législation de la RPC ne prévoit ni cette forme d’entité juridique qu’est la « société militaire privée », ni ce type d’activité.
La durée minimale pour l’établissement d’une société militaire privée de plein exercice est de trois ans. Il semblerait que les circonstances poussent la Chine à engager des SMP étrangères, telles que les sociétés américaines Bancroft et Academi (dont les anciens noms sont Xe Services et Blackwater). Les étrangers des SMP extraterritoriales pourraient être invités à servir d’instructeurs et de représentants des cadres inférieurs et supérieurs. D’un autre côté, cette solution n’est pas tout à fait rationnelle en raison des barrières linguistiques, des différentes approches de formation et du risque de conflits interethniques et interraciaux.
Une approche pratique obligera, évidemment, les agences gouvernementales chinoises et les milieux d’affaires à trouver une solution. Peut-être, dans un premier temps, ils tenteront d’engager des personnes privées ayant une expérience du combat et une connaissance du » terrain « . Mais la protection à long terme de leurs investissements nécessitera toujours la création de leurs propres SMP. La participation de l’état à ces sociétés peut ne pas être annoncée, mais il doit y être présent. On peut donc s’attendre à des changements dans la législation chinoise visant à soutenir le fonctionnement des SMP dans un avenir proche.