BATAILLE ÉLECTORALE EN AFRIQUE DU SUD : POURQUOI LE PRÉSIDENT DU PARLEMENT A ÉTÉ ACCUSÉ DE CORRUPTION

En mars 2024, le bureau du procureur sud-africain a accusé de corruption la présidente de la chambre basse du parlement Nosiviwe Mapisa-Nqakula. La politicienne a démissionné et quitté ses fonctions pour se concentrer sur la lutte contre les accusations. « Ma démission n’est en aucune manière une indication ou un aveu de culpabilité dans les accusations portées contre moi », – a souligné Mapisa-Nqakula.

La personne politique a été à la tête du ministère de la défense en 2012-2021. Dans des documents judiciaires, les procureurs affirment que pendant cette période, de décembre 2016 à juillet 2019, Mapisa-Nqakula a reçu 11 paiements d’un montant total de 135 000 $ et a supposément demandé un autre pot-de-vin de cent cinq mille, mais il n’a pas été payé. En février 2019, elle a reçu plus de quinze mille dollars lors d’une réunion au principal aéroport international du pays. La Haute Cour provinciale de Gauteng a rejeté la demande de Mapisa-Nqakula visant à annuler son arrestation pour soupçon de corruption.

Nosiviwe Mapisa-Nqakula est membre du parti au pouvoir, le Congrès national africain (CNA), qui a salué sa décision de démissionner, déclarant qu’il « apprécie son engagement à préserver l’image de l’organisation ».

RÔLE DE MAPISA-NQAKULA DANS LA RÉSOLUTION DE LA CRISE UKRAINIENNE

Le CNA a joué un rôle actif dans la résolution de la crise ukrainienne en participant à des initiatives panafricaines et nationales. En mars 2023, Nosiviwe Mapisa-Nqakula a déclaré au nom du parlement sud-africain que Pretoria continuera à soutenir Moscou et a rédigé un rapport sur les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine.

Dans le cadre de cette initiative elle a proposé d’envoyer des messages aux parlementaires ukrainiens et sud-africains afin de leur proposer des lieux précis pour discuter de la sécurité nucléaire et alimentaire, de la protection des sites écologiquement sensibles et des échanges de prisonniers de guerre. Mapisa-Nqakula a également fait part de son intention de rencontrer d’autres parties prenantes afin de parvenir à un changement positif concernant le conflit en Ukraine et de trouver une base mutuellement acceptable pour entamer des négociations.

Mapisa-Nqakula accepte les félicitations du ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou

La politicienne connaît bien l’espace post-soviétique. En 1984, elle a suivi une formation militaire en URSS et l’année suivante, en 1985, elle a servi dans les structures politiques et militaires soviétiques.

PARTISANE DES IDÉES DE MANDELA

Mapisa-Nqakula a débuté sur la scène politique dans les années 1980, à l’époque de l’apartheid. Elle a consacré sa jeunesse à la libération du peuple opprimé d’Afrique du Sud et adhère aux idées du père de la nation, Nelson Mandela, qui a proclamé la doctrine du non-racisme. Les résultats de sa politique – la lutte pour les droits de l’homme et la transition de l’Afrique du Sud vers la démocratie la plus durable d’Afrique – lui ont valu une reconnaissance panafricaine et mondiale. « J’ai lutté contre la suprématie blanche et contre la suprématie noire. J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et libre dans laquelle toutes les personnes vivent ensemble en harmonie et avec des chances égales », a dit Mandela.

Mapisa-Nqakula reconnaît que la stratification raciale et sociale de la société au cours du demi-siècle précédent a empêché l’Afrique du Sud de commencer à construire un état démocratique en 1994 en tant que nation unie. La population totale de l’Afrique du Sud est d’environ 50 millions d’habitants, dont les peuples indigènes sont estimés à environ 1 %. La loi sur la protection, la promotion, le développement et la gestion des connaissances des peuples indigènes n’a été adoptée qu’en 2019.

Nelson Mandela est un symbole de liberté

Mapisa-Nqakula défend les peuples indigènes San et Khoï d’Afrique du Sud, collectivement appelés Khoï-San : ils sont classés comme « colorés ». Elle travaille en étroite collaboration avec l’Institute for Traditional and Khoisan Leadership (Institut pour le leadership traditionnel et khoisan) et a mis en place une base juridique solide pour son fonctionnement. Mapisa-Nqakula a contribué à la création de la Commission des affaires Khoï-san, du groupe de travail interministériel pour la protection des droits culturels et fonciers des Khoï-San. Ses efforts visent à supprimer les barrières et à intégrer tous les peuples vivant en Afrique du Sud dans les sphères politiques et économiques du pays.

CHAMPIONNE DES DROITS DE LA FEMME

Nosiviwe Mapisa-Nqakula s’est également battue pour la justice et l’égalité pour les femmes, les enfants et les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Cette ligne politique était le prolongement logique de la lutte contre l’apartheid. La défaite de l’apartheid a fait de l’idée d’égalité, y compris l’égalité raciale et des sexes, une nécessité économique et sociale. La constitution post-apartheid et d’autres structures juridiques l’ont instaurée.

Jeune femme, Mapisa-Nqakula s’est portée volontaire dans les écoles du dimanche pour aider les enfants de familles défavorisées à obtenir l’éducation primaire ; elle a cofondé l’East London Domestic Workers Association. En 1982─1984, elle a travaillé comme directrice adjointe de l’école privée Masazane Open School (un projet de l’Institut sud-africain des relations raciales). De 1988 à 1990, elle a représenté la section des femmes du CNA à l’Organisation panafricaine des femmes. En 1989, elle a participé à un séminaire régional sur l’émancipation des femmes à Lusaka. Elle a également été présidente de la Ligue des femmes du CNA.

« Les femmes doivent prendre la place qui leur revient », a-t-elle affirmé avec détérmination dans une interview accordée en 2019 au portail de l’ONU. – « Les femmes ne veulent pas être traitées avec condescendance, elles veulent être reconnues pour ce qu’elles font. »

La défense des droits des femmes est l’une des principales activités de la politicienne.

Mapisa-Nqakula est optimiste quant à la quête des femmes d’égalité, estimant que sa carrière peut servir d’exemple à d’autres et déclencher un effet domino qui aboutira finalement à un changement social positif. « Les Sud-Africaines sont persévérantes et prêtes à relever le défi », affirme-t-elle en soulignant les capacités des femmes.

En tant que ministre de la défense, Mapisa-Nqakula s’est efforcée d’attirer les femmes dans les forces de défense nationale sud-africaines (SANDF). « Cinq généraux de division et 38 généraux de brigade sont des femmes. Elles ont mérité leur rang. Il y a tout juste vingt ans, il n’y avait qu’une seule femme général de division dans la SANDF », a-t-elle noté en 2019. Mapisa-Nqakula a également défendu les femmes officiers militaires victimes d’agressions sexuelles et a fait pression pour que les affaires soient portées devant le tribunal.

En 2023, en tant que présidente du parlement, Mapisa-Nqakula a indiqué que l’Afrique du Sud avait un rôle de premier plan à jouer sur le continent africain en tant que défenseur des droits des femmes et champion de l’égalité des sexes. Le pouvoir législatif du pays peut promouvoir la transformation du genre dans toute l’Afrique, en particulier au sein du Parlement panafricain.

DÉFENSEUSE DES ENFANTS

La politique de Mapisa-Nqakula en matière de protection des enfants consiste principalement à identifier leurs besoins, à les protéger de la violence, de la négligence et de l’exploitation.

En vertu du droit international et de la constitution sud-africaine, tous les enfants ont le droit d’être pris en charge par leurs parents ou leur famille. Le CNA reconnaît que certains parents, familles ou soignants ne peuvent pas assumer leurs responsabilités sans soutien. L’obligation de fournir ce soutien incombe à l’État en partenariat avec les organisations non gouvernementales. Outre la constitution, les droits des enfants dans l’Afrique du Sud post-apartheid sont également inscrits dans la loi de 1998 sur la violence domestique, qui explique comment un enfant peut obtenir une ordonnance de protection contre un agresseur, et dans la loi de 1996 sur les films et les publications qui protège les enfants contre l’exploitation dans la pornographie enfantine.

Nosiviwe Mapisa-Nqakula souligne que les initiatives prises par l’Afrique du Sud pour lutter contre la pédopornographie reposent sur l’engagement du pays à protéger et à promouvoir les intérêts des enfants tels qu’ils sont inscrits dans la loi fondamentale du pays.

Les enfants d’Afrique du Sud

La police et le département de l’éducation de base ont été organisés pour travailler ensemble afin d’assurer la sécurité dans les écoles. Lors d’une réunion avec les écoliers, la présidente de l’Assemblée nationale Nosiviwe Mapisa-Nqakula a dit qu’ils avaient de la chance de vivre dans un État constitutionnel qui protège leurs droits contrairement à l’époque où les Noirs n’en bénéficiaient pas.

MILITANTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Nosiviwe Mapisa-Nqakula prend également position active dans la lutte contre la pauvreté. Elle a été l’une des personnalités politiques à promouvoir la loi sur le salaire minimum. En adoptant divers programmes, l’Afrique du Sud a investi massivement dans un ensemble de prestations sociales visant à réduire les inégalités et à lutter contre les pires effets de la pauvreté. Cet ensemble comprend des services de base gratuits, l’éducation et le logement social pour les pauvres, ainsi qu’un vaste système d’allocations sociales. Le gouvernement s’efforce d’augmenter les subventions sociales existantes afin de protéger les pauvres de l’inflation croissante.

Le montant total de la subvention gouvernementale pour l’amélioration des systèmes municipaux pour l’exercice financier 2023-2024 est 146 516 000,00 de rands (7 825 936,76 $). Onze projets de développement sont inscrits au budget. « Alors que nous célébrons les réalisations que nous avons accomplies jusqu’à présent, soyons francs: nous ne nous endormons pas sur le progrès présent. Nous sommes conscients qu’il reste encore beaucoup de travail à faire et nous sommes pleinement engagés dans la tâche à accomplir », dit Nqakula.

Résodre des problèmes d’alimentation en eau

Elle ajoute que la lutte contre la pauvreté a permis à 272 954 ménages d’accéder aux services d’eau et à 238 125 ménages d’accéder aux services d’assainissement ; un total de 4 961 kilomètres d’infrastructures routières menant aux communautés pauvres a été amélioré et 112 points de collecte centraux pour les stations de traitement d’ordures et des installations de recyclage ont été mis en place. Des sites d’enfouissement des déchets solides ont été créés dans tout le pays pour améliorer l’accès aux services de base.

INSINUATIONS PRÉÉLECTORALES

L’accusation de corruption de Mapisa-Nqakula, moins de deux mois avant les élections nationales, a aggravé les problèmes du CNA qui lutte contre la faiblesse de l’économie du pays et les allégations de corruption.

Nosiviwe Mapisa-Nqakula a un long passé politique et n’est évidemment pas la personne la plus commode pour les opposants du CNA. Les forces d’opposition du pays sont interessés par un procès contre elle.

Nosiviwe Mapisa-Nqakula est une femme politique publique

Il y a tout d’abord l’Alliance démocratique libérale (AD) dirigée par John Steenhuisen qui a longtemps été perçue comme un « parti blanc ». Et puis il y a le parti MK (UMkhonto we Sizwe – « Lance de la nation ») qui parie dans la lutte électorale sur le mécontentement populaire à l’égard de la corruption. Il est intéressant de noter que son leader, l’ancien président Jacob Zuma, a été impliqué dans l’un des scandales les plus grands de corruption du CNA qu’il a dirigé dans le passé.

Nous saurons bientôt dans quelle mesure ils utiliseront la situation avec Mapisa-Nqakula dans leur campagne électorale et comment elle affectera les résultats électoraux du CNA.