Plutôt que le « plan Mattei » du nom du fondateur de la société énergétique Eni, le projet pour l’Afrique pourrait s’appeler le plan Meloni. La cheffe du gouvernement le considère comme le pilier d’une nouvelle forme de partenariat entre l’Italie et le continent africain, mutuellement bénéfique, qui veut sortir d’une approche « paternaliste » et « prédatrice » pour se concentrer sur « des partenariats d’égal à égal ».
Depuis qu’elle siège au Palais Chigi, elle n’a pas lésiné sur les visites en Afrique pour montrer son activisme diplomatique. Du Mozambique et du Congo à la Tunisie en passant par l’Algérie, l’Éthiopie et la Libye, Giorgia Meloni vise à assurer les besoins en énergie de l’Italie après la réduction drastique de l’approvisionnement en gaz russe.
Mais elle a également l’ambition de consolider son électorat anti-migrants en vue des élections européennes. Pour cela, la dame de fer de Rome espère faire oublier les échecs en termes de diminution des flux migratoires via la Méditerranée. D’où l’idée d’investissements massifs dans des pays africains pour lutter à la racine contre les facteurs déclenchant de migrations illégales. Et elle caresse même l’espoir d’installer des hotspots en Afrique.
Une « boîte vide » pour l’opposition
Pour l’ensemble de l’opposition de centre gauche, le « plan Mattei » serait au stade actuel « une boîte vide ». Autrement dit, un projet sans contenus clairement définis. Ce que l’on sait, c’est que Giorgia Meloni souhaite faire de l’Italie une plaque tournante pour les ressources énergétiques africaines et les marchés européens, tout en promouvant des investissements dans divers secteurs.
Son but étant, en toile de fond, de stopper les flux migratoires en provenance de l’Afrique, déplore le sénateur Alessandro Alfieri, chef de groupe du Parti démocrate à la commission des Affaires étrangères. « Nous craignons que la présidente du Conseil utilise le “plan Mattei” comme une occasion pour donner de l’argent à des pays africains afin qu’ils retiennent les migrants. De notre point de vue, il faut construire des projets de coopération au développement de manière à faire croître l’économie des pays africains. Mais aussi pour que des personnes puissent venir en Italie parce que notre pays, en déclin démographique, a besoin de main d’œuvre qualifiée dans certains domaines. »
Alessandro Alfieri estime, par ailleurs, que le « plan Mattei » nécessite l’implication d’autres pays de l’Union européenne. « Nous devons collaborer avec les principaux États européens. Sans quoi, nous risquons de perdre les défis avec la Russie qui a une approche néocoloniale, notamment dans les pays du Sahel, et avec la Chine qui intervient de manière prédatrice. Mais il faut des fonds qui, à ce stade, n’existent pas ».
Attentes mitigées
Giorgia Meloni devrait, enfin, dévoiler tous les détails du plan lors de la conférence Italie-Afrique qui se tiendra au Sénat. Mais en attendant, les contours du projet restent encore très flous, note Uoldelul Chelati Dirar, professeur à l’Université de Macerata. « Il faut voir combien ils comptent mettre sur la table, quels seront les financements. C’est facile de parler, mais plus compliqué de passer à l’action. Depuis peu, on met l’accent sur la question environnementale, avec l’idée de conditionner ces futures aides au développement à la promotion de politiques de protection de l’environnement – mais difficile de dire si ce sera substantiel ou simplement cosmétique. »
Et si l’Italie entend bien garantir sa sécurité énergétique en renforçant ses liens avec l’Afrique, les besoins du continent ne doivent pas être mis de côté.Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’Énergie, participera à ce sommet. « Certains pays européens sont par exemple intéressés par l’hydrogène vert – avec l’idée de générer de l’hydrogène en Afrique pour l’exporter ensuite vers l’Europe. Certains acteurs pensent même produire de l’électricité en Afrique pour la transmettre ensuite vers l’Europe ! Mais je crois qu’aujourd’hui l’Afrique a des besoins énergétiques bien plus importants que ceux de l’Europe et je préfèrerais que l’on réponde d’abord aux besoins de l’Afrique avant de passer à autre chose. »
Plus d’une vingtaine de chefs d’État, chefs de gouvernement, ministres et hauts responsables africains sont attendus à Rome.