Les ministres des Affaires étrangères de l’alliance des États du Sahel (AES) sont à Bamako pour « l’opérationnalisation » de la coalition créée le 16 septembre 2023 par le Mali, le Niger et le Burkina, les trois pays sahéliens dont les autorités actuelles sont issues de coup d’État militaires. La ministre burkinabè Olivia Ragnaghnèwendé Rouamba, son homologue nigérien Bakary Yaou Sangaré et leur hôte malien Abdoulaye Diop sont réunis ce jeudi 30 novembre pour donner à cette alliance une dimension politique et diplomatique.
Initialement, l’AES est un pacte de défense : le Mali, le Niger et le Burkina Faso avaient décidé de mutualiser leurs moyens militaires pour combattre les groupes rebelles ou jihadistes comme cela a pu être constaté récemment au Mali, à petite échelle pour le moment. Mais les trois pays veulent aller plus loin et fonder une véritable union économique et politique.
Sur le plan économique, les trois pays ont annoncé le weekend dernier leur intention de renforcer leurs échanges, de mener ensemble des projets énergétiques et industriels, de créer une banque d’investissement et même une compagnie aérienne communes. Aucune échéance n’a été fixée pour ces projets ambitieux.
Lignes politiques et diplomatiques communes
Ce jeudi, les ministres des Affaires étrangères des trois pays planchent, selon un communiqué de la partie malienne, sur « l’adoption des protocoles additionnels », « les organes [institutionnels et juridiques, NDLR] à mettre en place » et sur « la définition de mesures politiques et de coordination diplomatique ». De quoi faire de l’AES une organisation régionale jouant sur tous les tableaux.
Il faut rappeler que le Mali, le Niger et le Burkina sont suspendus des instances de la Cédéao, depuis leurs coups d’État militaires respectifs. Ils en sont toujours membres mais ne participent plus aux prises de décision. Cette situation devrait perdurer jusqu’à ce qu’ils organisent des élections et reviennent à l’ordre constitutionnel. Le Niger est de surcroît toujours frappé par des sanctions économiques de la Cédéao contre lesquelles Niamey a initié une procédure judiciaire, dont la décision attendue ce jeudi a été repoussée.
Alternative à la Cédéao
Dans ce contexte, l’« opérationnalisation » en cours de l’Alliance des États du Sahel, la manière dont elle se dessine, ressemble à la création d’une alternative à la Cédéao. On assiste à l’émergence d’une organisation régionale, sahélienne, plus restreinte, mais également plus conforme à la ligne des autorités actuelles de ces trois pays, qui affirment, pour résumer en substance les déclarations de leurs dirigeants, que la Cédéao serait injuste, qu’elle ne comprendrait pas les intérêts des populations et qu’elle serait manipulée par la France.
Dans son discours d’introduction, ce jeudi, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a d’ailleurs martelé les objectifs des pays de l’AES : « l’émancipation totale, la souveraineté pleine et entière, et ne plus se voir imposer aucun diktat ». Une allusion à la Cédéao, et bien sûr, à la France.
RFi