En Afrique, la marée de la dette monte et l’aide internationale stagne

ARCHIVES - Un homme montre un billet de 50 000 Kwacha, la monnaie zambienne, à Lusaka le 23 janvier 2012.

Face à la dette croissante de l’Afrique, la communauté internationale tente avec difficultés de s’entendre sur les mécanismes financiers pour soutenir la région.

Le continent subit lourdement le contrecoup de la guerre en Ukraine et de la pandémie. “La dette publique et l’inflation sont à des niveaux pas vus en plusieurs décennies” en Afrique sub-saharienne, relève un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié vendredi et intitulé “la grande pénurie de financement”.

La dette publique atteignait fin 2022 en Afrique sub-saharienne 56% du PIB, au plus haut depuis le début des années 2000, relève le FMI, qui a abaissé sa prévision de croissance pour la région cette année à 3,6%. Pour l’organisation basée à Washington, plusieurs problèmes sont venus s’entrechoquer, de la hausse des coûts d’emprunt au contrecoup des dernières crises internationales, en passant par le tarissement de l’aide internationale.

Leurs coûts d’emprunt sont trois fois plus élevés que ceux des Etats avancés, a calculé le Fonds. Et l’OCDE a fait part mercredi d’un recul de l’aide au développement en Afrique l’an dernier, alors qu’elle s’est envolée pour l’Ukraine. Les difficultés en Afrique “pourraient aggraver les problèmes liés à la dette, déjà élevée, et augmenter le risque que davantage de pays passent d’un problème de liquidités à un problème de solvabilité”, alerte Catherine Pattillo, directrice adjointe du département Afrique au FMI, dans un entretien avec l’AFP.

22 pays en danger

Pour Mme Patillo, cette situation “pourrait forcer des pays à réduire les dépenses pour des besoins critiques de développement comme l’éducation et la santé”, dans une région où 132 millions de personnes connaissent une insécurité alimentaire aiguë.

A l’heure actuelle, 22 pays présentent un risque élevé de surendettement ou l’ont déjà atteint, a calculé la Banque mondiale dans un rapport publié début avril. Parmi eux, le Ghana et la Zambie, qui ont fait défaut, ainsi que le Malawi et le Tchad, sous assistance du FMI.

Sur un marché de la capitale zambienne, Lusaka, le barbier John Likumbi, confie à l’AFP qu’“auparavant, je terminais la journée avec au moins 300 kwacha, mais aujourd’hui, je peux terminer avec 30 kwacha”, la devise locale: certains doivent aujourd’hui choisir entre se couper les cheveux ou s’acheter à manger, explique-t-il.

La Zambie illustre les difficultés de la communauté internationale à se mobiliser. Les négociations en vue d’une restructuration de sa dette, étape nécessaire pour débloquer le plan d’aide du FMI, sont en cours depuis deux ans, sans réel succès jusqu’ici.

Ce processus fait partie du “cadre commun” du G20 pour la restructuration de la dette des Etats les plus pauvres, qui se heurte souvent à des blocages de la Chine, devenue un prêteur incontournable sur le continent. Le cadre commun “va beaucoup trop lentement”, reconnaît auprès de l’AFP Anna Bjerde, directrice générale des opérations à la Banque mondiale, appelant “les créditeurs institutionnels et le secteur privé, à participer entièrement” au processus.

Ces progrès poussifs font échos à d’autres promesses toujours pas tenues, comme celle de porter à 100 milliards de dollars par an les financements aux pays pauvres pour l’adaptation au dérèglement climatique, ou celle de réallouer vers les pays vulnérables l’équivalent de 100 milliards de dollars de “droits de tirage spéciaux” du FMI, équivalent à une planche à billets de l’institution.

Quelques motifs d’espoir cependant: le FMI a assuré jeudi dernier que Pékin “va respecter ses engagements” sur la Zambie, tandis que l’Inde, qui dirige le G20 cette année, a espéré jeudi voir “rapidement” un accord sur la restructuration de la dette de plusieurs pays, dont le Ghana et la Zambie.

Aux réunions de printemps, qui rassemblent cette semaine à Washington les pays développés autour du FMI et de la Banque mondiale, cette dernière a annoncé mercredi une augmentation de 50 milliards de dollars de la capacité de prêts de sa filiale, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).

D’autres réformes concernant les banques de développement sont au menu des discussions à Washington cette semaine, avec l’objectif de les faire davantage travailler ensemble, leur faire prêter plus, et les encourager à faire participer le secteur privé. Une conférence internationale sur l’aide financière aux pays du Sud se tiendra aussi à Paris les 22 et 23 juin.

VOA Afrique