Crise économique : Dans l’attente de l’appui du FMI, la Tunisie face à une rude épreuve

GETTY IMAGES Une vue extérieure du bâtiment du Fonds monétaire international (FMI),

L’année 2023 s’annonce difficile pour la Tunisie, en proie à une crise économique et sociale aiguë. Outre les pénuries de certains produits de base (riz, sucre, lait…), quasiment introuvables et de plus en plus chers du fait d’une inflation galopante, le pays attend toujours l’appui du Fonds monétaire international (FMI).

Après la crise sanitaire, la guerre en Ukraine a aggravé les problèmes et fait gonfler les prix des produits importés, particulièrement le pétrole et le blé.

‘’La situation semble très compliquée. La Tunisie doit parvenir à un accord pour relancer la croissance’’, a averti le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi dans des déclarations à la presse.

L’avenir étant flou, El Abassi a déploré la non-action de la Tunisie, où des réformes dans divers secteurs en stand-by, depuis plusieurs années, font payer chèrement le pays.

 

– Les discussions avec le FMI piétinent

Alors que le pays semblait apercevoir une lueur d’espoir au bout du tunnel, suite à un accord avec le FMI sur ce prêt, l’examen du dossier prévu pour le 19 décembre, est reporté pour une date indéterminée.

Cette annonce bouleversante coïncide avec la publication de la nouvelle loi de Finances qui dépendait de ce prêt. Certains experts pointent du doigt le gouvernement, qui selon eux, gère mal le dossier tunisien. Ils critiquent le manque de clarté au niveau des réformes et l’absence des partenaires sociaux des négociations.

Le crédit de près de 1,9 milliard de dollars du FMI s’étalera sur 48 mois et sera soumis au Conseil d’administration du Fonds pour discussion. Or, les discussions piétinent…

Ce prêt pourrait-t-il combler le besoin de financement de la Tunisie ? Pourquoi la Tunisie compte-t-elle sur ce prêt ? Et pourquoi le FMI a-t-il choisi de reporter l’examen du dossier ?

Interrogé par Anadolu, l’expert en économie, Mohsen Hassan explique que le gouvernement fait tout pour conclure cet accord en vue d’apporter une bouffée d’oxygène à ce pays, déjà en crise, et d’éviter d’éventuelles répercussions désastreuses, qui ne feront qu’accentuer la crise économique.

”Décrocher ce crédit permettra de garder un équilibre financier et d’accéder à d’autres sources de financement extérieurs”, a ajouté notre interlocuteur.
L’expert a alerté, en ce sens, que la Tunisie n’arrivera peut-être pas à rembourser ses dettes dans le cas où, elle ne parvient pas à conclure cet accord.

”Cet accord est vital pour la Tunisie pour assurer les équilibres financiers et honorer ses engagements extérieurs”, a-t-il insisté.

Mohsen Hassan a souligné que le désaccord entre les acteurs économiques et sociaux en Tunisie ainsi que l’instabilité politique et sociale dans le pays, sont la raison majeure derrière ce report.

Il est à noter que cet accord vise dans l’ensemble à rétablir la stabilité macroéconomique en Tunisie, selon le FMI.

Face à une forte inflation qui devrait atteindre 11% en 2023, d’après des prévisions de la Banque centrale de Tunisie (BCT), des investissements en berne et une crise politique persistante, la Tunisie est suspendue à un prêt… toujours en suspens.

D’ailleurs, le gouverneur de la BCT a expliqué que ‘’cette crise est due à une persistance de la pression des prix mondiaux sur le marché local’’. Dans des déclarations rapportées par des médias tunisiens, El Abassi a souligné, dans cette même optique, que ‘’la Tunisie n’a pas beaucoup de solutions pour lutter contre le taux d’inflation, déjà élevé. D’où la raison du recours à l’augmentation de son taux directeur de 75 points de base à 8%’’.

Cette décision a suscité un tollé auprès des économistes, qui ont ‘’qualifié cette mesure d’inefficace’’.

– L’UGTT gronde

Outre son opposition à la loi de Finances 2023, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT/Principale centrale syndicale du pays) a largement contesté les discussions avec le FMI, qualifiant ces négociations ‘’d’approche unilatérale’’ et appelant le gouvernement à ”révéler la vérité aux Tunisiens”.

Dans de précédents communiqués, l’UGTT a nié avoir participé à l’élaboration du programme des réformes présenté par le gouvernement au Fonds monétaire international. La centrale syndicale a critiqué ces accords, qui selon elle, approfondissent la souffrance du peuple. Et d’exprimer son refus quant à la levée des subventions et la cession des entreprises publiques.

Malgré les appels lancés par l’UGTT, le gouvernement procède à des réformes ‘’désastreuses’’ pour le pays, selon des économistes.

– Le gouvernement tente de se rattraper

Pour la période 2023-2025, le gouvernement tunisien a présenté un plan de développement qui s’appuie sur des investissements dans le secteur privé. Ce plan privilégie, en premier lieu, la reprise de la production des phosphates, en préconisant un nouveau modèle de développement, a annoncé le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed.

Dans un contexte exacerbé par une crise économique aiguë, le gouvernement a promis ‘’une baisse du taux de chômage à 14% en 2025 contre 15% en 2022, avec une croissance de 2,1% en 2023’’.

Ce plan de développement, selon le responsable tunisien, ‘’compte relever les défis au niveau des investissements du secteur privé, d’ici trois ans’’.
Le gouvernement s’est, également, tourné vers le secteur industriel. L’objectif étant de passer de 15% du PIB en 2022 à 18% en 2025.

‘’Les exportations doivent passer de 12 à 18 milliards de dollars annuels’’, ont rapporté des médias citant la ministre de l’Industrie Neila Gonji.

Plusieurs domaines, dont le secteur de l’énergie, perturbé ces dernières années par les sit-in et la corruption, pourraient connaître des soulagements aspirants.

D’après le plan formulé par le gouvernement de Najla Bouden, ‘’une hausse de 3,7 millions de tonnes (Mt) annuelles à 5,6 Mt en 2023, ensuite à 12 Mt est attendue en 2025’’. En effet, l’agriculture, la transition énergétique, la production des phosphates, les problèmes environnementaux, la protection sociale et l’investissement dans l’éducation figurent sur la liste ‘’résolution pour année 2023’’ du gouvernement.

Anadolu Agency