Après un premier quinquennat parasité par l’affaire Benalla et la crise des Gilets jaunes, voilà Emmanuel Macron embourbé dans un nouveau scandale dont il se serait bien passé.
Le recours inconsidéré de l’Etat au cabinet de conseils américain McKinsey pour des montants astronomiques, intéresse en effet particulièrement la justice française.
Si le Président français s’affiche serein quant aux soupçons qui visent notamment sa campagne présidentielle, il pourrait être mis en difficulté si les conclusions des investigations menaient à confirmer des abus ou pire, des procédés illégaux.
– Chronologie d’un scandale d’Etat
Dès 2021, c’est le journal Le Canard Enchaîné, qui révèle aux Français, le recours habituel de l’Etat et de nombreux ministères à des cabinets de conseil notamment dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19.
En réaction à l’impact médiatique provoqué par ces révélations, le Sénat français se saisit de l’affaire et obtient la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire grâce à laquelle de nombreuses auditions vont être menées.
Les conclusions, rendues le 17 mars dernier, alors que la France entre « dans le dur » de la campagne présidentielle, font l’effet d’une bombe.
Le rapport fait état de sommes dépensées qui dépassent l’entendement avec « 893,9 millions (d’euros) pour les ministères et 171,9 millions » tout opérateurs confondus.
Pas moins de 4 millions d’euros ont par exemple été alloués à McKinsey pour travailler sur la très controversée réforme des APL avant que le cabinet ne soit sollicité pour la stratégie vaccinale contre le Covid-19.
Dans ce cadre, plusieurs missions lui ont été assignées dont celle d’étudier l’organisation logistique de la campagne et celle de proposer des indicateurs et outils de suivi.
Mais au-delà des chiffres vertigineux, c’est bien le volet fiscal de l’affaire qui va susciter une polémique sans précédent.
Dans son rapport, consulté par l’Agence Anadolu, la commission d’enquête sénatoriale révèle que « McKinsey n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France depuis au moins 10 ans ».
« Le constat est clair : le cabinet McKinsey est bien assujetti à l’impôt sur les sociétés en France mais ses versements s’établissent à zéro euro depuis au moins 10 ans, alors que son chiffre d’affaires sur le territoire national atteint 329 millions d’euros en 2020, dont environ 5 % dans le secteur public, et qu’il y emploie environ 600 salariés », mentionne le rapport.
– L’enquête sur le volet fiscal mène à la campagne d’Emmanuel Macron
Suite aux révélations accablantes du Sénat sur une « optimisation fiscale caricaturale », le Parquet National Financier (PNF) indique dans un communiqué de presse, avoir ouvert, dès le 31 mars une enquête « du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée visant le groupe McKinsey et notamment les sociétés McKinsey&Company Inc. France et McKinsey&Company Inc. SAS ».
Mais le cabinet McKinsey, a par la suite fait l’objet de « plusieurs signalements et plaintes d’élus et de particuliers » conduisant à l’ouverture d’une « information judiciaire (…) le 20 octobre 2022, notamment des chefs de tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne, portant sur les conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 » d’Emmanuel Macron, candidat devenu président.
Pour les mêmes raisons, le PNF précisait fin novembre, avoir ouvert une seconde information judiciaire le 21 octobre, concernant les campagnes du chef de l’Etat pour des « chefs de favoritisme et recel de favoritisme ».
Comme le révélait en novembre, le journal Le Parisien, trois magistrats ont été nommés pour mener les investigations dont le doyen du pôle financier au tribunal judiciaire de Paris, Serge Tournaire, connu pour avoir mis en examen l’ex-Premier ministre François Fillon dans l’affaire des emplois fictifs de son épouse, et Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion.
Dans les faits, la justice cherche à déterminer si certains travaux de divers cabinets de conseils, dont McKinsey, ont été fournis dans le cadre de la campagne d’Emmanuel Macron sans être comptabilisés dans ses comptes de campagne.
Dès mi-décembre, les sièges du cabinet de conseil McKinsey et du parti présidentiel Renaissance, ont été perquisitionnés dans le cadre de l’enquête.
– Comme pendant l’affaire Benalla, Macron s’affiche serein
Malgré le retentissement médiatique et les pressions politiques venues de toutes parts, la présidence française est apparue inébranlable.
Fin novembre, en marge d’un déplacement à Dijon, le chef de l’Etat réagissait de manière plutôt détachée, alors que ses deux campagnes sont au cœur d’enquêtes judiciaires.
« Je crois que le cœur de l’enquête n’est pas votre serviteur », a-t-il déclaré avant d’assurer avoir découvert « par la presse qu’il y avait des associations et des élus qui avaient décidé de saisir la justice ».
Estimant que « c’est normal que la justice fasse son travail », il a noté qu’« elle va faire justement la lumière sur ce sujet ».
Une posture qui n’est pas sans rappeler celle qu’il a adopté après la déflagration provoquée par l’affaire Benalla en juillet 2018, où il apparaissait dans un premier temps très détaché.
« S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher », avait-il lancé devant les députés de sa majorité, comme insouciant quant à l’ampleur de l’affaire.
Dans une courte déclaration à l’Agence Anadolu, un ancien député de la majorité présidentielle s’inquiète d’un « enchaînement » de scandales médiatiques qui pourrait « gêner l’Elysée » dans les prochains mois.
Anadolu Agency