Les dernières forces militaires françaises présentes en Centrafrique vont quitter le pays d’ici la fin de l’année. C’est l’ambassadeur de France à Bangui, Jean-Marc Grosgurin, qui a informé le ministère centrafricain de la Défense de la fin de la mission logistique (Mislog).
« L’annonce du départ a été faite, fin septembre, par Jean-Marc Grosgurin, ambassadeur de France à Bangui au ministre centrafricain de la Défense nationale, Claude Rameaux Bireau. Le diplomate français a annoncé le retrait définitif des 130 derniers soldats basés à l’aéroport international Bangui-Mpoko. Ainsi, pour la Représentation nationale, qui qualifie de légitime cette décision, il appartient aux autorités centrafricaines de prendre en main la sécurité de la population », a rapporté dans un article publié le 14 octobre dernier, le média centrafricain, Radio Ndeke Luka.
En Centrafrique, où l’armée française est intervenue à plusieurs reprises dans le pays -dans les années 1979-1981 avec les opérations Caban et Barracuda, de 1996 à 1997 avec les opérations Almandin I, II et III, en 2003 avec Boali, et en 2016 avec Sangaris- les autorités disent avoir “pris acte” de la décision du retrait des derniers militaires français du pays.
« Le gouvernement a pris acte de ce départ et à officiellement demandé, via la ministre des Affaires étrangères, que cela se fasse de manière coordonnée avec nos autorités », a relevé à l’Agence Anadolu, Steve Tongao, conseiller du Président centrafricain Faustin-Archange Touadéra.
A l’Assemblée nationale, le corps législatif estime aussi que c’est à la Centrafrique d’assumer sa propre sécurité et non aux partenaires extérieurs.
« Nous sommes arrivés à un moment où les Africains doivent prendre leur destinée en main. L’on ne peut jamais compter sur l’extérieur pour pouvoir assurer sa sécurité. S’agissant d’une coopération, à un moment donné, on s’assied et on l’évalue. C’est une question de partenariat gagnant-gagnant », avait affirmé Jean Sosthène Dengbè, président de la Commission défense à l’Assemblée nationale.
« Nous ne mettons pas les bâtons dans les roues des Français. S’ils voient que la présence russe les dérange et qu’ils se retirent, ce n’est pas au gouvernement de réagir. Ils sont libres et peuvent aller avec qui ils veulent. La RCA peut également choisir ses partenaires. Que l’Afrique se rende compte qu’elle est capable de faire quelque chose. Il faut dire à un certain moment que cette relation-là ne nous profite pas. Et si ça ne marche pas, on met un terme à ça », a poursuivi le député centrafricain.
– « Campagne d’intimidation systématique »
En France, on estime que des campagnes de désinformations sur les Français, la présence des paramilitaires russes de Wagner en Centrafrique entre autres, auraient motivé la décision de Paris d’évacuer ses dernières forces de la Centrafrique.
« La France fait l’objet depuis plusieurs mois d’une campagne d’intimidation systématique, orchestrée par des groupuscules proches de la Russie et du pouvoir en place à Bangui. Le 6 mai 2022, un nouveau pas a été franchi à l’initiative du groupuscule dénommé “plateforme de la galaxie nationale centrafricaine”, par la publication sur les réseaux sociaux de plusieurs communiqués de presse et vidéos, appelant notamment à des manifestations devant notre ambassade et les bâtiments de l’Union européenne à Bangui, proférant des menaces physiques contre tous ceux qui viendraient à s’y opposer et exigeant “le départ sans condition des troupes françaises (mercenaires) basées à l’aéroport Bangui – M’Poko dans un délai de 10 jours, faute de quoi à partir du 17 mai 2022, des actions de grande envergure seront envisagées à leur encontre” », avait écrit le 7 juillet dernier, le sénateur français Christophe-André Frassa au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
En réponse, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères avait souligné que « la France poursuit un dialogue franc et exigeant avec les autorités politiques au plus haut niveau de l’État centrafricain. Elle condamne avec fermeté les exactions documentées commises par les mercenaires de Wagner qui interviennent en soutien au régime en RCA, ainsi que les stratégies d’intimidation et d’entrave à l’action des organisations humanitaires ».
Les autorités françaises avaient ajouté qu’« en l’absence de dialogue politique inclusif, et compte tenu de la poursuite des campagnes de désinformation, la France maintient la suspension de son aide budgétaire (10 M€) et de la coopération militaire bilatérale. Elle veille également à ce que ses projets humanitaires ou de développement ne puissent être détournés de leurs fins, ou instrumentalisés, afin qu’ils puissent bénéficier directement à la population ».
La classe politique et la société civile centrafricaine restent convaincues que les différentes campagnes anti-françaises en Centrafrique, ont poussé Paris à prendre la décision de quitter la Centrafrique.
« Je pense que c’est probablement en raison des campagnes anti-françaises menées par les groupuscules proches du régime de Touadéra avec la bénédiction de celui-ci, ainsi que des prises de position malheureuses de la ministre des Affaires étrangères qui conduit une diplomatie agressive sans en avoir véritablement les moyens », a indiqué à l’Agence Anadolu, Dr Henri-Blaise N’damas, enseignant franco-centrafricain.
« À mon avis, l’armée française a bien raison de partir, étant donné que sa présence n’est plus désirée », a-t-il ajouté.
Anadolu Agency