L’armée rwandaise est intervenue dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) ces derniers mois, directement et en soutien à des groupes armés, selon un rapport d’experts missionnés par les Nations unies consulté jeudi par l’AFP.
L’armée rwandaise a “lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des positions des Forces armées congolaises” depuis novembre 2021, selon ce rapport transmis au Conseil de sécurité. Les experts indiquent que Kigali a également “fourni des renforts de troupes au M23 pour des opérations spécifiques, en particulier lorsque celles-ci visaient à s’emparer de villes et de zones stratégiques”.
Le Mouvement du 23 mars (M23) est une ancienne rébellion à dominante tutsi vaincue en 2013, qui a repris les armes en fin d’année dernière pour demander l’application d’un accord signé avec Kinshasa. Depuis fin mars, la fréquence et l’intensité des combats ont augmenté drastiquement et le M23 s’est emparé de pans du territoire de Rutshuru, jusqu’à une dizaines de kilomètres au nord de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu.
Le rapport du Groupe d’experts bat en brèche les dénégations des autorités rwandaises et détaillent, preuves à l’appui, l’implication directe du Rwanda “unilatéralement ou conjointement avec les combattants du M23” dans l’est de la RDC. Le 13 juin, la ville stratégique de Bunagana (50 km au nord de Goma), carrefour commercial à la frontière ougandaise, a été prise par le M23 après des affrontements.
Des images de drone fournies par la Monusco, des vidéos et photos amateurs et des témoins oculaires établissent la présence des forces armées rwandaises et/ou du transfert de leurs équipements au M23, dans et autour de la ville de Bunagana, la veille et le jour de l’attaque. Le Groupe ajoute que “des témoins oculaires et des chercheurs ont rapporté une complaisance passive, a minima, de l’armée ougandaise à la frontière, qui a permis aux combattants du M23 de traverser la frontière” pour attaquer la ville.
“Regard bienveillant”
Le rapport précise qu’“à plusieurs reprises, des images aériennes ont montré de grandes colonnes comptant jusqu’à 500 hommes armés à proximité des frontières de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda, se déplaçant de manière très organisée et portant une tenue et un équipement militaires standardisés (uniformes et casques très similaires à ceux des RDF)”, les forces armées rwandaises.
Deux semaines avant l’assaut sur Bunagana, le 25 mai, la plus grande base militaire congolaise dans le Rutshuru était sous un feu nourri d’obus de mortier et d’armes automatiques. Le Groupe écrit que “le M23 et les RDF ont conjointement attaqué le camp des FARDC à Rumangabo”.
Estimées à environ 900 à 1.000 hommes, les colonnes rwandaises ont “coupé la RN2 pendant plusieurs jours” et “attaqué et délogé les FARDC de leurs positions” le long de cette route, vitale pour Goma. Au même moment, “les combattants des groupes armés soutenus par certains membres des FARDC ont lancé une contre-attaque le 26 mai 2022”, note le Groupe.
Une vidéo filmée ce jour-là et partagée sur les réseaux sociaux montre des miliciens chantant et dansant dans le camp de Rumangabo après sa reconquête. Le 9 juin, lors d’une visite dans ce camp, les experts ont pu observer et photographier des membres de groupes armés aux côtés des FARDC.
Une coalition de circonstance de groupes armées – dont certains ennemis – s’est formée en mai, sous le regard bienveillant d’officiers de l’armée congolaise, précise le rapport.
Contacté par le Groupe, “des chefs de groupes armés, des combattants et des ex-combattants ont confirmé leur implication – seuls ou conjointement avec certains soldats des FARDC – dans les combats contre les troupes du M23 et/ou des RDF” et ont confirmé avoir “reçu des armes et des munitions de certains membres des FARDC à plusieurs reprises”.
Le rapport ajoute que fin mai et début juin 2022, près de 300 militaires rwandais ont mené des opérations sur le sol congolais contre des groupes armés à dominante Hutu : les FDLR et le CMC/FDP (Collectif des mouvements pour le changement/Forces de Défense du Peuple).
Le FDLR, Front démocratique pour la libération du Rwanda, est un groupe armé fondé au Congo par d’anciens dignitaires du régime génocidaire rwandais en fuite. Présenté comme une menace par Kigali, l’existence – et la violence – de cette milice a justifié les interventions rwandaises passées en territoire congolais et son soutien à des rébellions qui les combattaient.
VOA Afrique