Le gynécologue et chirurgien congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix en 2018, a haussé le ton, jeudi, contre le déploiement imminent des troupes est-africaines dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) en proie à une centaine de groupes armés, dont la plupart sont un héritage de deux guerres régionales datant d’un quart de siècle.
“Alors que se superpose déjà de manière difficile et peu efficace un partenariat multilatéral avec les Nations Unies et un accord bilatéral entre la RD Congo et l’Ouganda”, le déploiement imminent d’une Force régionale “ressemble à une chronique d’un chaos annoncé, d’autant plus que certains de ces Etats sont à la base de la déstabilisation, des cycles de violence et du pillage des ressources naturelles de l’Est du Congo”, a déclaré dans un communiqué, le gynécologue et fondateur de l’hôpital de Panzi au Sud-Kivu.
“La diplomatie régionale du Président de la RDC nous mène objectivement vers une prolongation et une aggravation de l’instabilité”, a-t-il ajouté alors que les chefs d’Etat des États de l’Afrique de l’Est doivent se retrouver du 21 au 22 juillet à Arusha en Tanzanie pour un nouveau conclave axé sur la sécuritaire dans l’Est congolais.
La force sera placée sous commandement kenyan, selon la dernière résolution de la communauté. Kinshasa avait exclu les troupes rwandaises et ougandaises de cette force, estimant qu’elles sont impliquées dans les conflits dans l’Est du pays où des groupes armés congolais et rebellions étrangères s’affrontent aux forces gouvernementales pour contrôler les richesses du sous-sol et la biodiversité.
A l’Hôpital de Panzi que dirige le prix Nobel dans la ville de Bukavu à la frontière avec le Rwanda, “à chaque pic d’instabilité correspond un pic dans le nombre de femmes et de fillettes victimes de violences sexuelles que nous prenons en charge”, affirme M. Mukwege.
“Nous n’avons qu’une certitude”, déclare- t-il : “Les femmes et les enfants seront à nouveau touchés, et seront les premières victimes de ce nouveau cycle de violence”.
Pour le prix Nobel, “la réforme profonde des FARDC (armée), de services de sécurité et la lutte contre l’impunité sont les mesures les plus appropriées pour assurer la pacification et la stabilité durable de l’Est de la RDC”.
Les Chefs d’Etat s’étaient décidé de déployer la force régionale en pleine fièvre de tensions croissantes entre la RDC et le Rwanda à cause de la résurgence de la rébellion du M23.
A dominante tutsi, le M23 vaincue en 2013 a repris les armes en fin d’année dernière exigeant l’application des accords de paix conclus avec Kinshasa. La résurgence du M23 a provoqué une nouvelle crise entre la RDC et le Rwanda, Kinshasa accusant Kigali de soutenir ces rebelles, ce que le Rwanda nie. En mai et juin, les attaques du M23 se sont déroulées de manière coordonnée sur plusieurs axes dans le Rutshuru, entraînant la mort de plusieurs dizaines de civils.
Plus de 170 000 personnes ont été déplacées, selon les Nations Unies. Les rebelles contrôlent plieurs localités dont la ville de Bunagana frontalière avec l’Ouganda.
Anadolu Agency