Le général Abdel Fattah al-Burhane a commencé mercredi à mettre en place son plan censé laisser place à un gouvernement civil, une initiative dénoncée par l’opposition et les manifestants mobilisés depuis sept jours pour réclamer le départ du chef militaire.
Les Forces pour la liberté et le changement (FLC), colonne vertébrale du gouvernement civil limogé le 25 octobre 2021, ont appelé à “maintenir la pression populaire” après avoir dénoncé la proposition du général Burhane comme une “trahison” et une “tactique” pour maintenir la mainmise de l’armée sur la politique et l’économie.
Lundi et à la surprise générale, le numéro un soudanais a annoncé son intention de laisser la place à un gouvernement civil en remplaçant le Conseil souverain, la plus haute autorité du pays qu’il préside, par un Conseil suprême des forces armées qui sera chargé seulement des questions de sécurité et de défense.
Les FLC refusent de former un gouvernement avant le départ du général Burhane et doutent fortement de ses intentions. Mais le général a commencé lui à mettre en place les premières étapes de son plan. Il a limogé mercredi les cinq membres civils du Conseil souverain qu’il avait nommés après le coup d’Etat et qui passaient pour ne jouer qu’un rôle mineur.
Certaines de ces cinq personnalités apolitiques et peu connues du public ont affirmé à la presse locale n’avoir reçu aucune notification officielle, découvrant, surprises, ne plus avoir leurs véhicules de fonction.
Barricades, campements
Dans la rue et malgré la mort il y a une semaine de neuf manifestants dans la répression, la mobilisation contre le général putschiste se poursuit pour le septième jour consécutif.
Mercredi, des centaines de femmes se sont rassemblées à Khartoum au cri de “le sang des martyrs n’a pas coulé en vain”, alors que 114 manifestants ont été tués et des milliers blessés dans la répression des anti-putsch depuis octobre selon un syndicat de médecins prodémocratie. “Les militaires à la caserne, les femmes dans la rue”, ont-elles aussi scandé.
“Ce défilé, c’est pour rappeler le rôle des femmes dans notre révolution” a affirmé l’une d’elles, Tahani Omar, à l’AFP. Les manifestants ont installé de nouvelles barricades et des campements dans Khartoum et ses banlieues. Et ils ont déclaré un nouveau sit-in illimité à Wad Madani, à 200 km au sud de Khartoum.
“Nous ne partirons pas d’ici avant d’obtenir un gouvernement civil”, a affirmé mardi un manifestant à Wad Madani à l’AFP, Mahmoud Mirghani. “On a lancé le sit-in en réponse au discours de Burhane, on veut la liberté, la paix, la justice et un gouvernement civil”, a renchéri une autre manifestante, Safa Abderrahim.
“Loup déguisé en mouton”
Lors de la révolte populaire qui a renversé le général Omar al-Béchir en 2019, les manifestants avaient maintenu leurs sit-in huit mois. Ils avaient alors obtenu que l’armée partage le pouvoir avec les civils pour mener le pays vers ses premières élections démocratiques. Mais lors du putsch, le général Burhane a confisqué le pouvoir aux civils, en limogeant l’ensemble des civils du gouvernement et du Conseil souverain, mettant fin à la transition.
Après l’annonce du général putschiste, l’ONU a espéré “une opportunité pour obtenir un accord” et les Etats-Unis ont appelé à “un gouvernement dirigé par des civils” et des “élections libres”. Pour Yasser Arman, cadre des FLC, “le discours de Burhane s’adresse surtout à la communauté internationale dont certains membres veulent des solutions rapides privilégiant la stabilité à la démocratie”.
“Burhane veut choisir un Premier ministre qui sera un loup déguisé en mouton et prendra ses ordres auprès du Conseil suprême des forces armées, ainsi l’armée gardera les pouvoirs souverains et exécutifs sous prétexte d’une solution politique”, a-t-il dit.
Pour la rue aussi, le nerf de la guerre se trouve dans les caisses vides de l’Etat dans un pays privé de l’aide internationale depuis le putsch et plongé dans une crise socio-économique. “Burhane doit remettre à la justice tous ceux qui ont tué (des manifestants) et il est le premier d’entre eux”, a affirmé un manifestant à Khartoum sous couvert d’anonymat.
VOA Afrique