Carcasses de véhicules calcinés, maisons incendiées, villages fantômes: c’est le spectacle qu’offre l’axe routier Beni-Komanda, théâtre d’attaques et embuscades meurtrières des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) dans l’est de la République démocratique du Congo.
Une colonne d’une centaine de véhicules de transport de troupes, précédés de jeeps surmontées de mitrailleuses, quitte Beni, dans le Nord-Kivu, pour la cité de Komanda, en Ituri, soulevant la poussière jaune de cet axe routier dangereux et angoissant de 105 kilomètres.
Sur cette route, stratégique pour les échanges commerciaux entre les deux provinces, des rebelles du groupe ADF, présenté par l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale (ISCAP), commettent depuis 2014 des exactions d’une extrême violence sur des civils, principalement à l’arme blanche.
De part et d’autre de la Nationale 4, d’Eringeti jusqu’à Komanda, des châssis de véhicules noircis par le feu, des squelettes de motos calcinées, témoignent des violences commises dans la région.
Des habitations abandonnées sont envahies par de l’herbe sauvage. Leurs occupants les ont quittées depuis plusieurs mois.
Sur le trajet, difficile d’apercevoir, même au loin, des animaux domestiques qui généralement errent d’une case à une autre dans ces villages de planteurs de cacao et de café.
– « Guerre asymétrique » –
A hauteur de la localité Mayi-Moya, quasiment à mi-chemin, le convoi tombe sur des traces fraîches de sang, mêlées à de la farine de maïs, puis sur des taxis-motos qui transportent quatre corps de victimes. Des ADF ont tendu une embuscade à ces voyageurs qui se rendaient à Eringeti sans escorte et les ont tués.
En réaction, l’armée a déployé sa nouvelle unité canine pour les poursuivre dans la profondeur de la forêt dense qui sert de lieu de retraite aux assaillants après chaque exaction sur des civils.
Mais les ADF attaquent souvent dans le silence de la nuit, quelquefois ils ciblent les positions isolées de l’armée. Dans leur stratégie, les ADF évitent des combats au corps à corps avec les forces régulières.
Chaque fois qu’ils sont défaits, les ADF, menant une « guerre asymétrique », s’attaquent aux civils afin de les opposer aux forces armées, regrette le général-major Camille Bombele, coordonnateur des opérations militaires conjointes en cours avec l’armée ougandaise dans cette zone.
« Ce sont des jihadistes », cherchant à convertir la population à l’islamisme radical, explique le général-major Bombele. « Ils n’ont pas besoin que les gens soient des catholiques, des protestants, des paisibles citoyens », dit-il.
Afin de sécuriser davantage ce trajet, de nouvelles unités de l’armée ont été déployées en plusieurs points de la route. Les chefs des opérations dans les deux territoires ont tenu une réunion de commandement pour planifier la protection des civils, qui subissent des représailles des ADF en marge des opérations en cours avec l’armée ougandaise.
A 7 kilomètres de Komanda, dans le village de Ngombenyama, le convoi croise des habitants qui reviennent des champs ou des enfants qui jouent devant les maisons.
« Nous sommes ravis de voir la présence des militaires dans notre chefferie de Walese Vokutu. Ça nous rassure ! Nous espérons que la paix sera rétablie. C’est le souhait de la population », déclare Paul Atibo Yope, chef de cette « chefferie » (entité administrative), visiblement soulagé par cette présence militaire.
Afp