Le Front Polisario a nommé Mohamed Wali Akeik au poste de chef d’état-major. Ce septuagénaire a lutté dès son plus jeune âge contre les armées espagnole puis marocaine avant d’occuper plusieurs postes politiques. Il se voit désormais confier la mission de lancer l’offensive terrestre contre les Forces armées royales (FAR).
“L’armée d’occupation marocaine goûtera à nouveau à l’amertume de la défaite qu’elle a subie durant les 16 années de guerre contre l’Armée populaire de libération sahraouie”. La sentence est de Brahim Ghali, le secrétaire général du Front Polisario. Il l’a prononcée samedi 6 novembre à l’occasion de l’installation de Mohamed Wali Akeik, le nouveau chef d’état-major de l’armée sahraouie. À 71 ans, il quitte le costume de ministre des Territoires occupés et des Communautés sahraouies établies à l’étranger pour revêtir le treillis militaire. Derrière son air débonnaire de sage grand-père se cache un redoutable combattant du désert. Mohamed Wali Akeik porte sur le visage et sur le corps les traces de nombreuses années de guerre.
Contexte de guerre
Pour nombres d’observateurs du dossier du Sahara occidental, l’arrivée de Mohamed Wali Akeik à la tête de l’armée sahraouie constitue un tournant dans ce conflit. C’est notamment le cas de Bachir Mohamed Lahsen, professeur en sciences de la communication, spécialiste des questions africaines à l’université de Séville, qui estime que sa nomination est un indice de “ce que pourrait être la stratégie militaire sahraouie dans les mois à venir”.
“Le Front Polisario avait fait part de sa désillusion lors de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2602 et avait réagi en annonçant son intention d’augmenter l’intensité du conflit armé qui l’oppose au Maroc. Pour traduire cette menace sur le terrain, il était nécessaire de procéder à des changements dans le commandement de l’armée sahraouie. En réalité, ce changement était attendu, car le gouvernement conduit par Mohamed Wali Akeik avait été installé en 2019, soit bien avant la reprise de la lutte armée. Il fallait donc placer le commandement dans le contexte de guerre”,
Selon Bachir Mohamed Lahsen, il faut s’attendre à une montée en puissance du rythme des opérations des unités sahraouies. “Le Front Polisario devrait passer du pilonnage des positions marocaines, qu’il mène quotidiennement depuis la rupture du cessez-le-feu le 13 novembre 2020, à des opérations terrestres. Cette mission a été confiée à des chefs militaires qui ont fait leurs preuves au combat durant la première guerre contre le Maroc (1973-1991)“, note le professeur de l’université de Séville.
“Cette première étape de harcèlement qui s’est caractérisée par le pilonnage du mur de séparation n’est qu’une étape d’échauffement pour l’armée sahraouie qui n’a pas mené de combat durant une trentaine d’années. Les unités combattantes ont eu une année pour s’échauffer et mettre en place les procédures, notamment sur le plan logistique. La montée en puissance de l’offensive militaire du Polisario est inéluctable. Le commandement militaire est le seul à connaître le calendrier et les sites de l’offensive terrestre. Il faut donc s’attendre à des opérations éclairs contre les unités marocaines et également à des prisonniers“, précise Bachir Mohamed Lahsen.
L’objectif sera donc de lancer des offensives contre le mur de séparation construit depuis les années 1980 par l’armée marocaine. Long de 2.720 kilomètres et composé de plusieurs systèmes de défense et de surveillance (mines, fossés, barbelés, radars), il est surveillé en permanence par près de 100.000 soldats. Jeudi 4 novembre 2021, la chaîne marocaine 2M TV a diffusé un documentaire exclusif sur le mur de séparation.
Bachir Mohamed Lahsen indique à Sputnik que le Front Polisario compte sur le capital expérience des combattants de la première guerre contre le Maroc pour percer le mur de séparation. “Mohamed Wali Akeik ainsi que Brahim Ghali font partie de cette génération qui a infligé des pertes à l’armée de Hassan II. Leur connaissance des schémas tactiques pour mener des raids éclairs contre les unités marocaines“.
“Le choix de Mohamed Wali Akeik n’est pas un hasard. Il a combattu les unités espagnoles puis marocaines dès son adolescence. Il a été emprisonné par l’armée de Franco pour avoir participé à des actions secrètes. Après sa libération, il a rejoint l’armée sahraouie pour combattre le Maroc. À l’âge de 27 ans, il était déjà commandant d’une région militaire. Il fait partie de l’élite des officiers supérieurs du Front Polisario puisqu’il a même commandé le service de renseignement sahraoui”, ajoute Bachir Mohamed Lahsen.
Nouvelle menace aérienne
Pour contrer les opérations de guérilla du Front Polisario dans les vastes espaces désertiques, les forces armées marocaines ont acquis des équipements militaires de dernière génération. C’est notamment le cas des drones qui ont été utilisés pour première fois au mois d’avril 2021 lors de l’attaque d’un convoi militaire du Front Polisario. Dah El Bendir, le commandant de la gendarmerie sahraouie, avait perdu la vie lors de ce raid. La piste du drone semble se confirmer également dans l’attaque du 1er novembre qui a provoqué la mort de trois routiers algériens près de la localité de Bir Lahlou et attribuée au Maroc par les autorités algériennes. Comment l’armée sahraouie va-t-elle faire face aux drones, une arme moderne qui n’existait pas lors de la première guerre?
“Pour le Front Polisario, la menace aérienne s’est toujours posée avec acuité puisque le Maroc a toujours possédé des avions de chasse. Mais dès 1981, les Sahraouis ont commencé à utiliser des systèmes de missiles anti-aérien SAM 6 (2K12 Kub) de fabrication soviétique qui ont infligé des pertes à l’aviation. Il est vrai que l’utilisation de drone confère un avantage à une armée, mais ce n’est pas avec cet équipement que l’on gagne une guerre. Les conflits en Afghanistan ou encore au Yémen sont des exemples concrets. Les armées les plus puissantes et les plus riches de la planète utilisent ces appareils de haute technologie, mais cela ne lui a pas permis de gagner des guerres”, relève Bachir Mohamed Lahsen.
Pour le professeur de l’université de Séville, le Front Polisario peut lui aussi acheter des armes “afin de contrer cette menace”. “Il faut s’attendre à l’utilisation par le Front Polisario d’équipements anti-drones. La République arabe sahraouie démocratique (RASD), qui est un État membre de l’Union africaine, a également la possibilité d’acquérir de l’armement auprès de ses alliés africains”, indique-t-il. Bachir Mohamed Lahsen cite notamment les entreprises d’armement d’Afrique du Sud, dont le Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir, est un des alliés du Front Polisario.
Source: Sputnik