Il pourrait être le premier Seleka à être jugé par la CPI. C’est ce que doit en tout cas décider la Cour à La Haye au cours de l’audience de confirmation des charges qui a débuté ce mardi. Quatorze chefs d’accusations pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Des crimes que Mahamat Saïd Abdel Kani aurait commis à Bangui alors qu’il était à la tête de plusieurs organismes de sécurité importants (OCRB puis CEDAD) entre avril et novembre 2013.
L’avocate des victimes a pris la parole lors des propos liminaires. « La justice est rendue en leur nom », a-t-elle souhaité rappeler à la Cour. Les crimes ne doivent pas rester impunis, a-t-elle souligné.
L’accusation a fait sa présentation sur le fond. Elle s’est attachée à convaincre la Cour qu’Abdel Kani doit être jugé pour 14 chefs d’accusation. Elle a contextualisé, insistant sur le caractère systématique des crimes. Ils visaient les populations soupçonnées d’être des soutiens au président renversé François Bozizé.
Elle a tenté de démontrer la position de supérieur hiérarchique, de donneur d’ordre ainsi que de co-auteur des crimes d’Abdel Kani. « Monsieur Saïd était à la tête de plus de 60 éléments de la Seleka, a souligné Éric Mac Donald, le substitut du procureur. Sur votre écran, vous pouvez voir dans un premier temps l’ensemble de la liste des membres de la Seleka produite à l’époque des faits et authentifiée par un témoin “insider”. Et cette liste montre que M. Saïd en était le responsable. »
L’accusation a alterné des éléments factuels, des organigrammes, et des photographies, n’hésitant pas parfois à toucher la corde émotionnelle par des témoignages glaçants, comme celui de cette victime qui détaille ses mauvais traitement, ou encore les photos de cette femme et de son enfant disparus.
La défense pointe les faiblesses du dossier
Mahamat Saïd Abdel Kani est resté impassible, prenant régulièrement des notes. Sa défense a souligné le chaos existant à l’époque, ne permettant pas selon elle d’attribuer les faits à ce commandant Seleka. Mahamat Saïd Abdel Kani est notamment présenté comme le chef de l’Office central de répression du banditisme à l’époque des faits. Cependant, il est difficile de prouver qu’il dirigeait l’OCRB, tant la désorganisation régnait, estime ses avocats.
La défense a estimé que les droits de la défense n’étaient pas respectés et que les charges sont une série d’allégations non démontrées et non étayées. Elle s’est aussi attaquée à la composition du dossier de l’accusation. « La défense et la chambre se retrouvent dans la position de devoir tenter de reconstituer elle-même l’argumentation que l’accusation aurait dû présenter de manière explicite dans son PCB, a pointé Maitre Dov Jacobs. En définitive, on peut constater que le procureur a appliqué ce qu’on pourrait appeler une méthode Ikea à sa démonstration. Le lecteur dispose d’un côté d’une allégation, de l’autre côté, d’une côte ERM et doit lui-même reconstituer la démonstration. »
Durant les journées à venir la Cour va donc devoir déterminer si les éléments de preuve sont suffisants ou non pour qu’un procès soit tenu. Si la Cour estimait que la réponse est « oui », Mahamat Saïd Abdel Kani serait alors le premier membre de la Seleka à être jugé devant cette juridiction internationale.
Deux autres affaires concernant la Centrafrique sont en cours à La Haye. Patrice Edouard Ngaissona et Alfred Yekathom Rhombot, tous deux du mouvement anti-balaka, sont actuellement jugés par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Source: Rfi