Plus d’un mois après la chute du Président Alpha Condé, le nouvel homme fort de la Guinée met peu à peu en place les organes de la transition devant mener au retour à un régime civil. Mais en attendant, le mystère est grand quant au temps que les militaires ont décidé de passer au pouvoir.
Deux ans ou plus, 18 mois, un an? À l’heure actuelle, personne ne semble en mesure de dire quelle sera la durée de la transition en Guinée. Un mystère amplifié par le silence assourdissant du chef du Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD), intronisé chef de l’État et Président de la République lors de sa prestation de serment le 1eroctobre. Dans son discours, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya n’a pas vendu la mèche, se limitant à rappeler que la question sera l’objet d’un consensus entre la junte et les acteurs politiques et sociaux.
“C’est pourtant l’une des questions majeures sur lesquelles nous attendons les militaires. Toute la classe politique guinéenne souhaite une transition courte, efficace et de qualité. Le Président Doumbouya nous a assurés que lui et ses collaborateurs n’ont guère l’intention de s’accrocher au pouvoir, encore moins de violer les valeurs et principes contenus dans la Charte de la transition qu’ils ont eux-mêmes proposée“, rapporte à Sputnik Alioune Tine, président du think tank panafricain Afrikajom Center, qui revient de Conakry où une délégation de responsables de sociétés civiles africaines a été reçue par le Président guinéen.
La Charte de la transition qui fait office de Constitution provisoire depuis sa publication en septembre dernier est un catalogue de principes sur les libertés, droits et devoirs des citoyens, l’État de droit, etc. Nulle part dans ses 84 articles ne figure une réponse précise quant au temps que les militaires resteront à la tête de la Guinée. “La durée de la transition sera fixée de commun accord entre les forces vives de la nation et le Comité national du rassemblement pour le développement”, indique l’article 77. D’où l’inquiétude d’une frange de la classe politique, dont les partisans de Cellou Dalein Diallo, chef du principal parti d’opposition.
“Les politiques craignent que les militaires, en demeurant trop longtemps au pouvoir, finissent par prendre leurs aises comme cela est arrivé avec le général Lansana Conté puis avec le capitaine Moussa Dadis Camara, dont le règne bref a fini en règlement de comptes entre factions de l’armée”, rappelle Alioune Tine.
L’expérience des derniers régimes militaires n’enchante pas trop les Guinéens. Le quart de siècle de pouvoir autoritaire et répressif de Lansana Contésuite à la disparition du Président Sékou Touré en 1984 a fini en lambeaux et provoqué le coup d’État du fantasque capitaine Camara en décembre 2008. La Guinée vit alors dans la violence, la répression et les règlements de comptes entre chefs militaires, jusqu’au massacre du 28 septembre 2009. Ce jour-là, dans l’enceinte du stade du même nom à Conakry où avait lieu une manifestation pacifique, environ 150 personnes tombent sous les balles des soldats et plusieurs femmes ont été victimes de viols. Alors qu’il voulait se porter candidat à la présidentielle qui pointait à l’horizon, Moussa Dadis Camara est victime d’un attentat perpétré par un de ses proches dans le camp militaire de Koundara. Évacué et soigné au Maroc, il finit par obtenir l’asile au Burkina Faso. La présidence de transition est alors assurée par le général Sékouba Konaté jusqu’à l’élection présidentielle de juin et novembre 2010 remportée par Alpha Condé. Aujourd’hui, le CNRD joue la transparence et écarte tout agenda caché.
“Ni moi, ni un membre du CNRD ou des organes de la transition ne serons candidats aux élections à venir”, a plusieurs fois répété le Président Doumbouya, en phase avec l’article 65 de la Charte qui exclut les membres du Conseil national de la transition [organe législatif] de toute participation aux élections organisées dans le cadre de la transition, et avec l’article 55 qui écarte “le Premier ministre et les membres du gouvernement” à venir.
Source: Sputnik