Yaoundé vient d’abriter le forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad. Objectif? Évaluer l’état de la coopération et les mécanismes de stabilisation dans une région en proie au djihadisme. Le chef de la coalition de la force mixte a annoncé à Sputnik qu’une nouvelle stratégie militaire contre Boko Haram verra le jour.
Le combat contre le terrorisme est loin d’être gagné dans la région du lac Tchad. Alors que les pays de la région continuent de subir les attaques de Boko Haram, dans une déclaration faite à Sputnik en marge du troisième forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad, tenu à Yaoundé du 4 au 5 octobre, le général nigérian Abdul Khalifa Ibrahim, commandant de la Force multinationale mixte (FMM), a annoncé qu’il y aura bientôt un changement au niveau de la stratégie militaire contre les terroristes.
“Nous nous attelons à revoir la stratégie. Nous avons une stratégie militaire qui est en train d’être mise en branle, que nous ne pouvons malheureusement pas dévoiler ici. Mais au sortir de ce forum, vous les constaterez dans nos prochaines opérations et les choses iront mieux”, a déclaré le chef de la coalition régionale antiterroriste.
“Boko Haram a tout détruit sur son passage”
Depuis 2015, la FMM, constituée des troupes militaires du Cameroun, du Nigeria, du Tchad, du Niger et du Bénin, combat Boko Haram activement mais avec des résultats mitigés. Six ans après sa création, les pays membres n’ont toujours pas repris le contrôle de la région comme en témoignent les récentes attaques.
“Dans cette bataille contre le terrorisme, nous faisons de notre mieux. Mais nous devons être honnêtes sur le fait que le terrorisme de Boko Haram a évolué. Il nous faut dès lors changer de stratégie pour mieux leur faire face. Et pour ce faire, nous avons besoin de plus d’équipements, plus de technologie, plus d’entraînements, pour être en mesure, de les mettre hors d’état de nuire”, a-t-il réclamé.
En effet, le troisième Forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad, organisé par la Commission du bassin du lac Tchad (LCBC), avec le soutien technique de l’Union africaine et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a pour but de renforcer les efforts de stabilisation dans la région. Le forum a évalué le développement humanitaire et sécuritaire dans le bassin, les progrès réalisés jusque-là, ainsi que la contribution de la société civile à la stabilisation de la région. Les huit gouverneurs des régions, provinces et États fédérés des pays riverains du lac ont pris part à ce forum, au rang desquels Midjiyawa Bakari, le gouverneur de la région camerounaise l’Extrême-Nord, venu, dit-il, “lancer un appel” aux différents partenaires engagés dans ce combat: “Nous subissons des attaques de Boko Haram depuis plusieurs années pratiquement. Des attaques qui ont causé beaucoup de dégâts socioéconomiques, culturels et psychologiques”.
“Si au Cameroun le chef de l’État Paul Biya a déjà décidé d’un plan de reconstruction de la région, nous bénéficions également du soutien du PNUD […]. Seulement les attentes restent nombreuses car Boko Haram a tout détruit sur son passage. Nous abritons actuellement 70.000 réfugiés nigérians. Nous avons en interne plus de 250.000 déplacés qui ont fui la frontière pour l’intérieur de la région pour plus de sécurité. Il faudra les accompagner pour regagner leurs territoires. Mais il faut des moyens logistiques pour ce faire”, lance-t-il au micro de Sputnik.
Que ce soit au Cameroun, au Niger, au Nigeria ou au Tchad, la région du bassin du lac Tchad fait face à une grave crise sécuritaire. S’ils doivent déjà trouver des solutions à leurs multiples crises internes, depuis 2009, les pays de la région sont régulièrement la cible d’attaques sanglantes de Boko Haram. La secte islamiste y sème la désolation en faisant des milliers de morts. Dans le nord-est du Nigeria, dans la région du Diffa, dans l’Extrême-Nord du Cameroun ou dans l’ouest du Tchad, des millions de personnes sont obligées de se déplacer, s’exposant à toutes sortes de drames humanitaires. Le forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad est un organe consultatif et opérationnel de la CBLT destiné à promouvoir le dialogue sous régional sur les défis transnationaux et transversaux et à coordonner les actions communes des huit provinces ou régions limitrophes du lac. Le premier forum du genre s’est tenu en mai 2018 à Maiduguri au Nigeria et le deuxième en juillet 2019 à Niamey au Niger.
Source: Sputnik