Plébiscité en Zambie, l’éternel opposant Hakainde Hichilema, finalement devenu président, a pris mardi les rênes de ce pays enclavé d’Afrique australe rongé par une dette colossale, avec la promesse de redresser l’économie et de promouvoir une « meilleure démocratie ».
« HH » a prêté serment dans un stade des Héros en liesse à Lusaka, rempli de milliers de partisans en rouge, la couleur de son parti. Beaucoup y avaient passé la nuit, pour être certains de pouvoir assister à son investiture à la mi-journée, a constaté l’AFP.
« Je jure de remplir fidèlement et avec diligence mes devoirs (…), de maintenir et défendre la Constitution », a-t-il déclaré, une bible dans les mains.
Le nouveau président était arrivé sur la piste du stade dans un SUV blanc, un garde du corps debout sur chaque portière, saluant la foule en délire de ses deux mains ouvertes, gantées de blanc.
Plusieurs chefs d’Etat, mais aussi des figures d’opposition régionales, participaient aux festivités pour saluer une transition politique en douceur, sur un continent dont l’histoire récente a été marquée par des dirigeants autoritaires s’accrochant longtemps au pouvoir.
Mateyo Simukonda, 36 ans, est arrivé la veille de la région centrale de la Copperbelt, qui concentre les mines de cuivre du pays. « C’est un événement capital pour la Zambie », confie-t-il à l’AFP. « Je suis venu assister à l’enterrement total » du régime précédent « et de la corruption ».
Candidat une sixième fois à 59 ans, Hichilema – surnommé aussi « Bally », terme affectueux désignant un aîné – a été élu le 12 août avec près d’un million de voix d’avance et une forte participation (71%) contre le président sortant Edgar Lungu.
Dans ce pays riche en cuivre, les prix de produits de base ont flambé, devenant inabordables pour une population dont plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté.
L’homme d’affaires autodidacte, aujourd’hui millionnaire, devra aussi s’atteler au problème d’une dette estimée à dix milliards d’euros, dont la moitié auprès de créanciers privés.
Lancé dans une frénésie de projets de construction de ponts, routes, aéroports, son prédécesseur était critiqué pour avoir emprunté de façon déraisonnable, notamment auprès d’investisseurs chinois. La Zambie a été le premier pays d’Afrique à avoir fait défaut sur sa dette depuis le début de la pandémie.
M. Lungu était aussi devenu de plus en plus répréssif à l’égard de toute critique, faisant fermer des médias indépendants et arrêter des figures d’opposition.
– Rêves démocratiques –
Affirmant avoir lui-même été arrêté une quinzaine de fois depuis qu’il fait de la politique, HH avait d’emblée assuré son rival déchu qu’il ne ferait pas l’objet de « représailles ». Dénonçant son « régime brutal », il a promis une « démocratie meilleure » aux millions de Zambiens qui ont fait la queue, parfois jusqu’à l’aube, pour voter.
La frustration qui a poussé « les citoyens à voter en si grand nombre est un message clair », estime Ringisai Chikohomero, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud.
Le changement démocratique est attendu par la jeunesse, mobilisée en masse pour le scrutin, les moins de 35 ans repésentant une majorité des inscrits.
« Pour eux, le vote cimente l’idée que le pouvoir appartient au peuple », explique à l’AFP l’économiste zambien Grieve Chelwa.
Au Zimbabwe voisin, le président Emmerson Mnangagwa a averti ses opposants de ne pas nourrir de tels rêves. Succedant à Robert Mugabe qui a tenu le pays d’une main de fer pendant 37 ans, M. Mnangagwa avait aussi promis une « nouvelle démocratie » avant d’œuvrer à consolider un parti unique et museler l’opposition.
Dans les prochains mois, les regards seront tournés vers le nouveau président zambien pour voir s’il « joint le geste à la parole » et concrétise ses promesses.
Source: La Minute Info