L’émotion est encore vive au Burkina Faso, après l’attaque de ce mercredi 18 août qui a fait 80 victimes, 65 civils et 15 gendarmes, dans le nord du pays. L’histoire d’un jeune homme de 19 ans, « Ganaba IB », a particulièrement touché le pays. Devenu le visage des victimes de cette attaque, il était de passage chez son cousin à Djibo puis Dori et profitait du convoi escorté par l’armée pour rendre visite à sa famille à Arbinda. Son histoire a beaucoup ému les internautes burkinabè.
« Il étudiait à Kongoussi et il était chez moi depuis quelques jours. Il voulait aller voir la grande famille à Arbinda, et comme la route n’est pas sécurisée, les voyageurs sont obligés d’attendre le convoi de l’armée avant de prendre la route. C’est ainsi qu’il est resté chez lui pendant une semaine. C’est seulement jeudi qu’ils ont pu partir avec le convoi. Il me tenait au courant durant tout le voyage jusqu’à ce que je ne puisse plus le joindre. »C’est le témoignage très ému de Seydou Ganaba à propos de son cousin Ganaba Ib qu’il appelle aussi son« frère ».
Son nom circule sur la toile au Burkina Faso depuis l’attaque de mercredi qui a coûté la vie à 80 personnes. Il s’appelait Boureima Ganaba, dit « Ganaba IB », et il est l’un des rares visages des victimes de cette attaque. Un visage connu grâce aux réseaux sociaux sur lesquels il avait pris l’habitude de publier ses états d’âme, notamment l’actualité du pays et surtout le déchirement des personnes obligées d’abandonner leurs terres pour fuir le terrorisme.
C’est grâce à cette présence sur ces espaces numériques qu’il a fait connaissance avec des amis virtuels, devenus depuis des proches. L’un d’eux, Lassane Zongo, le décrit en ces termes : « Ce jeune était très exceptionnel, c’est le genre de personne que vous ne regrettez pas d’avoir connu. Si bienveillant, si respectueux. Il était talentueux et intelligent. L’autre chose que j’ai beaucoup apprécié [chez lui], c’est l’humilité. À chaque fois qu’il faisait des publications, il signait en toute humilité. »
Rêve de journalisme
À 19 ans, « Ganaba IB » venait d’avoir le bac et il nourrissait le rêve de devenir journaliste. « Quand il a eu le bac, je lui demandais ce qu’il voulait faire, il m’a dit qu’il voulait faire des études de journalisme », témoigne Lassane Zongo. « Il ne parlait que de journalisme, et même quand il regardait la télé, c’était pour le journal. Il me parlait aussi des journalistes qu’il connaît », renchérit Seydou Ganaba.
Le regard tourné vers cette profession, il avait fait de l’écriture son exutoire. Plusieurs membres de sa famille avaient fui l’insécurité pour s’installer à Arbinda. C’est cette insécurité qu’il racontait parfois dans ces écrits. Sur Facebook, il avait publié il y a quelques jours un texte sur la situation des personnes déplacées. Un texte poignant intitulé « Je suis un homme libre : chronique d’un homme affligé par l’insécurité ».
Et l’on pouvait lire : « Je suis un paysan sans un champ. Je suis un éleveur sans un animal. Je suis un commerçant sans marchandises. Je suis un élève sans une école. Je suis un citoyen burkinabè sans un toit. Je suis un homme qui ne peut rien dire. Je ne fais qu’écouter ».
L’émotion des internautes burkinabè
Ce qui est particulièrement troublant, c’est qu’il termine ainsi : « J’attends le jour que Dieu choisira pour que je sois sans vie. Je suis un homme libre. Libre dans ma prison. En toute humilité. » Des mots qui résonnent aujourd’hui comme une prémonition. Ce qui a déclenché sur les réseaux sociaux une vague de réactions d’anonymes ou de personnes qui l’ont connu. Les internautes, émus, lui rendent hommage en partageant son texte et en publiant quelques mots en sa mémoire.
« Fin tragique d’un jeune homme affligé par l’insécurité », écrit un internaute. « Il s’appelait Ganaba Ib. Il est mort pour ce qui nous fait vivre », souligne un autre. « Repose en paix, tu as rejoint le royaume des cieux, Pourtant tes écrits nous serviront davantage », publie encore un autre internaute.
L’histoire de « Ganaba IB » est aussi celle de tant d’autres victimes qui ont vu leurs rêves se briser.
Source: Rfi