Rwanda: Balladur dit avoir empêché un soutien militaire au gouvernement génocidaire

L’ancien Premier ministre français Edouard Balladur a affirmé mercredi avoir évité en 1994 à la France de devenir un « acolyte » du gouvernement génocidaire hutu rwandais, en empêchant une opération militaire française à Kigali réclamée, selon lui, par l’entourage du président socialiste François Mitterrand. Au printemps 1994, alors que le génocide des Tutsi est en cours au Rwanda, « tous ceux qui prônaient une intervention de l’armée française étaient en fait favorables au gouvernement hutu », et voulaient le soutenir face aux rebelles tutsi du FPR (Front patriotique rwandais), a déclaré M. Balladur dans un entretien .

« J’étais extrêmement hostile à cette solution car cela aurait pris les allures d’une expédition coloniale » et « ça aurait fait de nous des acolytes de ce début de génocide », a insisté l’ancien Premier ministre de droite, qui gouvernait depuis un an en « cohabitation » avec le président socialiste François Mitterrand.

« J’ai pris une position parfaitement claire: ne pas intervenir entre les deux parties et interdire toute une série d’opérations proposées sur Kigali sous des prétextes humanitaires ».

« En empêchant notre armée » d’intervenir en soutien du gouvernement génocidaire hutu, « je l’ai garantie contre le risque d’être accusée d’avoir facilité le génocide », a insisté M. Balladur.

Le génocide contre la minorité tutsi au Rwanda a fait plus de 800.000 morts selon l’ONU, entre avril et juillet 1994.

La France a finalement lancé en juin 1994 dans le Sud-Ouest du Rwanda l’opération militaro-humanitaire Turquoise, sous mandat de l’ONU, visant à « faire cesser les massacres ».

Début avril, Paris avait aussi lancé une opération d’évacuation des étrangers à Kigali, l’opération Amaryllis, qui durera quelques jours.

Balladur a épargné le président Mitterrand, sévèrement mis en cause dans le rapport Duclert, qui a conclu le mois dernier à des « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide au Rwanda.

« Le président et moi parlions du Rwanda très régulièrement. Je l’avais senti lui-même très hésitant, si bien qu’il n’avait jamais donné suite à des propositions d’un certain nombre de membres de son entourage qui voulaient que la France se porte au secours du gouvernement hutu », a déclaré M. Balladur.

L’ancien Premier ministre a par ailleurs affirmé avoir « mis un terme aux fournitures d’armes » au Rwanda dès son arrivée à Matignon en mars 1993.

  Source: La Libre