Une enquête sur ces exactions a été ouverte par les autorités éthiopiennes. Au moins trois soldats ont été condamnés pour viols et 25 autres poursuivis pour « violences sexuelles et viols ».
Les troupes éthiopiennes et érythréennes ont violé des centaines de femmes et filles dans la région en guerre du Tigré, imposant à certaines victimes esclavage sexuel et mutilations, selon un rapport d’Amnesty International publié mercredi 11 août.
Ce rapport, établi à partir d’entretiens avec 63 victimes, documente les exactions pour lesquelles une enquête a été ouverte par les autorités éthiopiennes, avec à ce jour au moins trois soldats condamnés pour viols et 25 autres poursuivis pour « violences sexuelles et viols ».
Certaines rescapées ont dit avoir été violées en réunion pendant qu’elles étaient retenues prisonnières pendant des semaines, d’autres ont été violées devant des membres de leur famille et certaines disent avoir eu des objets, comme des clous et du gravier, introduits dans leur vagin, « causant des blessures durables et peut-être irréversibles », selon Amnesty.
« Il est clair que le viol et la violence sexuelle ont été utilisés comme une arme de guerre pour infliger des dommages physiques et psychologiques durables aux femmes et aux filles au Tigré. Des centaines d’entre elles ont été soumises à des traitements brutaux visant à les dégrader et les déshumaniser, selon la secrétaire générale d’Amnesty, Agnès Callamard. La gravité et l’ampleur des crimes sexuels commis sont particulièrement choquants, passibles de crimes de guerre et possiblement de crimes contre l’humanité. »
L’Agence France-Presse (AFP) a, ces derniers mois, interviewé de nombreuses femmes ayant rapporté avoir été violées en réunion par des soldats éthiopiens et érythréens.
1 288 cas de violences envers les femmes recensés de février à avril
Les combats dans la région du Tigré (nord) ont débuté en novembre après l’envoi par le premier ministre, Abiy Ahmed, de l’armée fédérale pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Selon M. Ahmed, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l’armée fédérale ordonnées par le TPLF.
Avec l’intensification du conflit, le bilan humanitaire est dramatique : d’après l’Organisation des Nations unies (ONU), environ 400 000 personnes vivent dans des conditions de famine au Tigré, tandis que l’aide humanitaire peine toujours à arriver.
Selon Amnesty, les auteurs présumés des exactions sont issus des troupes de l’Erythrée voisine, qui a soutenu le premier ministre éthiopien, et des forces de sécurité et miliciens de la région éthiopienne d’Amhara, voisine du Tigré.
Plus de vingt personnes ont dit à Amnesty avoir été violées par des Erythréens seuls, tandis que d’autres femmes ont rapporté qu’Erythréens et Ethiopiens étaient ensemble. « Ils nous ont violées et affamées. Il y en avait tellement à nous violer à la suite », a témoigné une femme de 21 ans, qui dit avoir été retenue pendant quarante jours. « On était une trentaine de femmes, ils nous ont toutes violées. »
Selon le rapport d’Amnesty, des centres de soin au Tigré ont recensé 1 288 cas de violences envers les femmes de février à avril 2021, et les médecins estiment que de nombreuses victimes ne viennent pas les voir.