Les rebelles du Tigré refusent de se retirer des régions éthiopiennes voisines

Les forces rebelles de la région éthiopienne en guerre du Tigré rejettent l’appel américain à leur retrait des régions voisines, a déclaré vendredi leur porte-parole, au lendemain de la prise de contrôle de Lalibela.

Jeudi, les forces du TPLF (Front de libération du peuple du Tigré) se sont emparées de cette ville amhara célèbre pour ses églises taillées dans le roc et classée par l’Unesco au patrimoine mondial.

“Rien de la sorte ne va arriver à moins que le blocus ne soit levé”, a dit Getachew Reda en référence à l’accès humanitaire dans cette région en proie à la famine, affirmant que les rebelles n’allaient “pas se retirer de l’Afar et de l’Amhara”.

La guerre fait rage au Tigré depuis novembre 2020, lorsque le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a envoyé des troupes pour renverser le TPLF, le parti régional qui a longtemps dominé la politique nationale avant son arrivée au pouvoir en 2018.

M. Abiy, prix Nobel de la paix 2019, a justifié cette intervention par la nécessité de riposter à des attaques du TPLF contre des camps de l’armée.

Mais malgré la promesse d’une victoire rapide, le conflit s’est prolongé, prenant un nouveau tournant en juin lorsque les rebelles ont repris la capitale du Tigré, Mekele, et obligé l’armée éthiopienne à battre en retraite et à déclarer un cessez-le-feu unilatéral.

Depuis, ce mouvement contrôle la majorité du Tigré et mène des offensives armées dans les régions voisines, à l’est dans l’Afar et au sud dans l’Amhara, une extension du conflit qui marque un nouveau tournant.

– “Aux trousses” –

Selon plusieurs habitants, Lalibela, désertée plus tôt par les forces de sécurité locales, est tombée sans opposer de résistance.

Vendredi, M. Getachew a affirmé que la prise de la ville avait pour objectif de sécuriser les routes du nord de l’Amhara et d’y empêcher le regroupement de troupes pro-gouvernementales.

“Nous sommes assiégés. Nous sommes sous blocus”, a-t-il insisté.

Les forces pro-TPLF “sont aux trousses” des troupes régionales amhara, qui se sont dirigées vers Sekota, au nord de Lalibela, a ajouté M. Getachew.

Vendredi, la branche amhara du parti de la Prospérité de M. Abiy a déclaré que le TPLF tombait dans “un piège” en s’éloignant de sa base tigréenne, ajoutant : “et c’est de cette manière que nous pourrons le punir sans miséricorde.”

M. Getachew a également réaffirmé que le TPLF n’ambitionnait pas de garder des territoires amhara et afar mais de faciliter l’accès au Tigré, ainsi que de reprendre le sud et l’ouest de la région, occupées par les Amhara.

La situation au Tigré, où s’est rendu cette semaine le chef des opérations humanitaires des Nations unies Martin Griffiths, inquiète. Selon l’ONU, les combats y ont poussé 400.000 personnes dans la famine.

Le TPLF accuse le gouvernement de bloquer la délivrance de l’aide tandis que des responsables humanitaires critiquent, entre autres, les obstacles bureaucratiques qui freinent son acheminement.

De son côté, le gouvernement affirme que le cessez-le-feu avait pour but de faciliter cet accès et que les offensives du TPLF, considéré comme une organisation terroriste par Addis Abeba, ruinent cette initiative.

Vendredi, le bureau du Premier ministre a annoncé que 63 camions supplémentaires d’aide humanitaire avaient atteint Mekele, portant leur total ces dernières semaines à 220.

– “Notre patrimoine” –

Jeudi, Billene Seyoum, la porte-parole du Premier ministre, a déclaré que plus de 300.000 personnes avaient été déplacées par les combats en Amhara et en Afar.

Le vice-président de l’Amhara, Fanta Mandefro, a lui accusé les rebelles d’abus, notamment de meurtres et d’agressions sexuelles.

Des accusations démenties vendredi par M. Getachew, pour qui le TPLF “travaille avec les gens pour s’assurer qu’ils vivent leur vie aussi normalement que possible.”

Les Etats-Unis, qui ont exhorté les rebelles à retirer leurs forces de ces régions, les ont également appelés à protéger Lalibela, “un testament de la civilisation éthiopienne”.

Construites à partir du XIIe siècle, les églises de Lalibela constituent une destination populaire auprès des touristes étrangers et des orthodoxes éthiopiens.

Nous savons ce que cela signifie de protéger du patrimoine historique”, a réagi M. Getachew. “Lalibela est notre patrimoine à nous aussi. Ils ne devraient pas s’inquiéter de ce que nos forces protègent ou ne protègent pas Lalibela.”

Au Tigré, de nombreux sites historiques ont été significativement endommagés par la guerre, notamment des monastères et d’autres lieux de culte.

 Source: La Minute Info