La directrice de l’Agence américaine d’aide internationale (USAID) Samantha Power a appelé les rebelles tigréens à se retirer « immédiatement » des régions Amhara et Afar bordant le Tigré, où le conflit risque d’enflammer l’Ethiopie tout entière et où la famine menace des centaines de milliers de civils.
Le Tigré se trouve depuis plusieurs mois au coeur d’une grave crise humanitaire, selon les Nations unies, alors que l’aide internationale peine à parvenir à cette région du nord en raison de nombreux retards et obstacles administratifs.
La situation a encore empiré cette semaine lorsque le gouvernement du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a suspendu deux ONG présentes au Tigré, les accusant de « désinformation ».
Médecins sans Frontières (MSF) et le Conseil norvégien pour les Réfugiés (NRC) « répandent la désinformation dans les médias sociaux et sur d’autres plateformes, en dehors du mandat et des objectifs pour lesquels ces organisations ont été autorisées à opérer », ont affirmé mercredi les autorités éthiopiennes.
Une décision condamnée par Washington, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU jugeant cette suspension « inacceptable ».
« Je connais bien le travail de @MSF et @NRC_Norvège, et ils sont respectés au niveau international. L’Éthiopie doit reconsidérer cette décision », a déclaré Linda Thomas-Greenfield sur Twitter.
Le Tigré a plongé dans la violence en novembre, lorsque le Premier ministre a envoyé l’armée dans la région pour destituer les autorités locales du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) à la suite, selon lui, de l’attaque de camps militaires par des forces tigréennes.
– « Pas de solution militaire » –
Prix Nobel de la Paix 2019 pour sa réconciliation avec l’Erythrée, Abiy Ahmed avait rapidement déclaré victoire après la prise par les soldats éthiopiens de la capitale tigréenne Mekele, avec l’aide de l’Erythrée voisine, ennemi ancestral du TPLF, au pouvoir en Ethiopie durant trois décennies avant l’avènement d’Abiy Ahmed en avril 2018.
Les forces tigréennes ont néanmoins continué leur lutte et repris Mekele et plusieurs autres villes du Tigré en juin. Après un cessez-le-feu décrété par Abiy Ahmed et le retrait des soldats éthiopiens, les forces tigréennes ont poursuivi leur offensive vers les régions voisines d’Amhara et Afar. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées par ces hostilités.
La chef de l’USAID Samantha Power, en visite en Ethiopie, a appelé les autorités tigréennes à « retirer immédiatement leurs forces » des régions Amhara et Afar.
« Pour que l’aide parvienne à tous ceux qui en ont besoin au #Tigré, alors TOUTES les parties doivent cesser les hostilités », a-t-elle tweeté mardi soir. « Il n’y a pas de solution militaire à ce conflit ».
« Toutes les parties doivent accélérer la délivrance sans contrainte de l’assistance humanitaire à ceux qui sont affectés par le conflit, et le blocus commercial du Tigré doit cesser », a-t-elle ajouté.
Mme Power a réitéré la demande de Washington de voir les forces amhara se retirer de l’ouest du Tigré, tout commes les forces érythréennes venues soutenir l’armée éthiopienne.
Les États-Unis voient l’Éthiopie comme un partenaire essentiel dans la région instable de la Corne de l’Afrique, mais l’administration Biden a ouvertement critiqué la guerre au Tigré.
– 90% de la population vit de l’aide –
En mars, le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait dénoncé des actes de nettoyage ethnique dans l’ouest du Tigré. Et en mai, il a annoncé des restrictions de visa pour les responsables éthiopiens et érythréens accusés d’alimenter le conflit.
Quelque 5,2 millions de personnes – soit plus de 90% de la population du Tigré – vivent grâce à l’aide extérieure, selon l’ONU.
Selon le Premier ministre éthiopien, le cessez-le-feu décrété en juin avait pour but de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, mais les ONG affirment que l’accès est plus difficile que jamais.
Jan Egeland, secrétaire général du NRC, a régulièrement lancé sur Twitter des avertissements sévères sur la crise, comme en février: « En 40 ans (de) travail humanitaire, j’ai rarement vu autant d’entraves à l’acheminement de l’aide ».
L’Éthiopie a déclaré mercredi que 157 camions d’aide humanitaire – y compris des Nations unies et d’ONG – avaient atteint Mekele.
Lors d’une conférence de presse mardi à Addis-Abeba, le chef des opérations humanitaires des Nations unies, Martin Griffiths, estimait que pour répondre aux besoins sur le terrain, 100 camions devraient entrer au Tigré quotidiennement.
Selon l’Unicef, plus de 100.000 enfants pourraient souffrir de malnutrition aiguë potentiellement mortelle ces 12 prochains mois, soit 10 fois la moyenne annuelle.
Source: La Libre