Ces arrestations ont lieu à l’approche de législatives anticipées, censées apporter une nouvelle légitimité au régime mais rejetées par le mouvement contestataire Hirak et une partie de l’opposition.
L’opposant Karim Tabbou, figure du Hirak en Algérie, et le directeur d’une station de radio proche de ce mouvement prodémocratie, Ihsane El Kadi, ont été arrêtés à la veille des élections législatives, a appris l’Agence France-Presse, jeudi 10 juin, auprès de leur entourage.
« Arrestation de #Karim_Tabbou près de chez lui », a écrit son frère Djafar sur sa page Facebook. Ihsane El Kadi, le directeur de la station algérienne Radio M et du site d’information Maghreb Emergent, a également été arrêté, a rapporté le site Casbah Tribune.
Karim Tabbou, 47 ans, avait été libéré le 29 avril sous contrôle judiciaire après une altercation avec Bouzid Lazhari, le président du Conseil national des droits de l’homme, un organisme officiel. Emprisonné de septembre 2019 à juillet 2020, M. Tabbou est un visage très populaire de la contestation antirégime, le Hirak, déclenchée en février 2019.
Quant à Ihsane El Kadi, il a été placé sous contrôle judiciaire le 18 mai. Il est accusé de « diffusion de fausses informations à même de porter atteinte à l’unité nationale », de « perturbations des élections » et de « réouverture du dossier de la tragédie nationale » des années 1990. Ce dernier chef d’accusation se réfère à la Charte pour la paix et la réconciliation, censée tourner la page de la guerre civile de la «décennie noire » (1991-2002).
Aux termes du contrôle judiciaire, il est interdit aux deux hommes de parler à la presse. Ces arrestations ont lieu à quarante-huit heures des législatives anticipées censées apporter une nouvelle légitimité au régime mais rejetées par le Hirak et une partie de l’opposition, sur fond de répression généralisée. Elles surviennent alors qu’un groupe de journalistes français se trouve à Alger depuis mercredi pour couvrir le scrutin.
Dix autres arrestations
De son côté, le procureur du tribunal de Sidi M’Hamed à Alger a annoncé, lors d’une conférence de presse jeudi, l’arrestation de dix personnes membres d’une « cellule qui incitait aux rassemblements et à l’atteinte à la sécurité nationale ». Douze autres personnes sont en fuite, dont une partie à l’étranger, selon le procureur, qui a mentionné la France et les Etats-Unis. Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien, a fait état d’autres arrestations à Alger et Oran (nord-ouest).
Dans le même temps, le président Abdelmadjid Tebboune a affirmé que « le citoyen est souverain dans le choix de ses représentants à l’Assemblée populaire nationale », lors d’une visite à l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE).
A l’approche de l’échéance électorale, le régime a multiplié les interpellations et les poursuites judiciaires visant opposants politiques, militants hirakistes, avocats et journalistes indépendants.
« La répression a déjà disqualifié et discrédité les élections législatives, elles ne sont ni ouvertes, ni transparentes, ni démocratiques. L’approche par le tout-sécuritaire est un aveu d’échec de la “feuille de route” politique. Un rendez-vous raté pour l’Algérie », a réagi vendredi soir M.Salhi, de la Ligue pour la défense des droits de l’Homme (LADDH).
Au moins 222 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le CNLD.
Source: Le Monde