Une délégation de l’armée ougandaise est arrivée dimanche après-midi à Beni (Nord-Kivu) pour mettre en place un centre de coordination des opérations contre les terroristes ADF qui sévissent dans la région et en Ituri, la province voisine. Cette arrivée, dont les buts ont été peu éclaircis, soulève de nombreuses questions.
Le Nord-Kivu et l’Ituri ont été placés sous état de siège par le président Félix Tshisekedi depuis le 6 mai et leurs gouverneurs militaires sont arrivés à Goma et Bunia hier lundi. Cette décisison semble essentiellement destinée à donner l’impression que le chef de l’Etat s’active pour ramener la paix à l’est, comme il l’a promis, mais nombreux sont ceux qui ont du mal à lui voir des effets positifs.
L’état de siège est en effet une mesure beaucoup plus grave que l’état d’urgence. Elle suspend le gouverneur et le gouvernement provinciaux ainsi que l’assemblée provinciale et les tribunaux civils, toutes les affaires judiciaires devant désormais être confiées à la justice militaire. Or, certains des nouveaux dirigeants des deux provinces ont un lourd passé en matière de droits de l’homme.
Que vont faire les Ougandais?
A cela s’ajoute l’arrivée à Beni d’une délégation de l’armée ougandaise pour installer un centre de coordination des opérations contre les terroristes ADF, affiliés à l’Etat islamique, un groupe armé né en Ouganda et répandant la terreur dans le « Grand Nord » du Nord-Kivu depuis plusieurs années. Il n’est pas clair cependant si les deux armées organiseront des opérations conjointes ou se contenteront de se partager des renseignements.
Il a en effet été très peu communiqué sur cette présence militaire, alors même qu’elle est dirigée par rien de moins que le commandant en chef de l’armée ougandaise, le général David Muhoozi Rubakuba, 55 ans (à ne pas confondre avec le général Muhoozi Kainerugaba, 46 ans, fils aîné du président Yoweri Museveni).
Le procès de la CIJ en cours
A l’instar du député UNC (le parti de Vital Kamerhe, condamné en 2020 à 20 ans de travaux forcés; allié de Tshisekedi) du Nord-Kivu Juvenal Munubo, beaucoup de Congolais de la région se souviennent du rôle néfaste de l’Ouganda dans la Province orientale, notamment en Ituri, au début de ce siècle. Ainsi, en juin 2000, les armées ougandaise et rwandaise se sont affrontées durant six jours à l’arme lourde à Kisangani pour le contrôle des ressources congolaises, occasionnant morts et dégâts matériels importants.
Kampala a, par ailleurs, été reconnu coupable d’exactions au Congo par la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye, qui a ordonné que l’Ouganda indemnise le Congo pour cette occupation militaire (1998-2003). Le montant des indemnisations fait actuellement l’objet d’un nouveau procès de la CIJ, avec des propositions allant de 150 millions de dollars (côté ougandais) à 23 milliards de dollars (évaluation congolaise).
Les soldats kényans
Le flou qui règne sur cette délégation ougandaise et ses buts accentue l’impression d’improvisation de l’action du président Tshisekedi à l’est du pays. Elle rappelle qu’en avril dernier, à l’issue d’une visite de son homologue kényan à Kinshasa, le chef de l’Etat congolais avait annoncé l’arrivée de soldats kényans pour aider à rétablir la paix à l’est, ce qui avait suscité l’inquiétude de certains députés puisqu’ils auraient dû en avoir été clairement informés et ne l’avaient pas été. En réalité, il ne s’agit pas d’une décision bilatérale, comme Félix Tshisekedi en avait donné l’impression, mais d’un nouveau contingent pour la Monusco (Mission de l’Onu au Congo), dont l’arrivée avait été négociée depuis longtemps à New York.
Source: La Libre