Une quarantaine de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) ont été tués ces trois derniers mois au Burkina Faso, où ces supplétifs civils, engagés dans la lutte antijihadiste aux côtés des forces de sécurité, sont de plus en plus ciblés par les groupes armés qui déstabilisent le pays.
« Depuis janvier, pas une semaine ne passe sans qu’on ne déplore la mort d’un volontaire; d’ailleurs, on a commencé l’année avec la mort de cinq de nos frères à Koumbri », dans la province du Yatenga, chef-lieu de la région du Nord, affirme Souleymane Sawadogo, un VDP de la zone.
Selon cet agriculteur de 47 ans, engagé volontaire dans la lutte antijihadiste depuis un an, « plus d’une quarantaine de VDP ont été tués dans des attaques au cours des trois derniers mois ».
Et selon un décompte de l’AFP, plus de 200 sont morts depuis janvier 2020.
« Nous sommes régulièrement ciblés par les terroristes qui attaquent directement et détruisent nos bases, nos domiciles sont aussi ciblés, nous recevons des menaces de mort et certains de nos frères ont été enlevés par les terroristes », affirme Mahamadi Youl, un VDP de 38 ans, qui dit avoir mis sa famille à l’abri depuis qu’il s’est enrôlé il y a huit mois.
La dernière attaque, une embuscade contre une unité mixte armée-VDP lundi à Tanwalbougou, dans la province du Gourma (Est), a fait six morts parmi les VDP. Trois gendarmes ont également été tués.
– Une mission, le renseignement –
Depuis 2015, le Burkina Faso est miné par des violences jihadistes presque quotidiennes, parfois entremêlées de conflits communautaires, qui ont fait plus de 1.300 morts et contraint plus d’un million de personnes à fuir leurs foyers.
Des pans entiers de ce pays pauvre du Sahel ont été désertés par l’administration et les forces de défense et de sécurité (FDS).
Dans ce contexte, l’idée d’organiser une structure regroupant des volontaires civils a été lancée en novembre 2019 par le président Roch Marc Christian Kaboré.
Le 21 janvier 2020, au lendemain d’une nouvelle attaque d’envergure, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité une loi instituant le recrutement des VDP.
Ces supplétifs civils volontaires sont recrutés localement. Leur mission première est le renseignement qui semble cruellement manquer aux forces armées burkinabè.
Connaissant bien le secteur, ils sont en première ligne pour remonter des informations aux responsables militaires, notamment les déplacements de groupes armés, explique Mahamadou Sawadogo, un expert en sécurité.
Ils reçoivent une formation initiale de 14 jours afin de maîtriser le maniement des armes légères et les tactiques militaires de base.
En juin, un rapport parlementaire estimait leur nombre à « plus de 2.000 », mais ils seraient en réalité beaucoup plus.
– « Symboles de l’Etat » –
Armés et équipés de moyens de communication, ils sont amenés à patrouiller.
« On opère des patrouilles à travers les villages, sur les principaux axes comme sur les pistes. On tombe parfois dans des embuscades, mais n’ayant pas la même puissance de feu que les terroristes ou assez de munitions pour tenir pendant des heures, on perd parfois des hommes », explique sous couvert de l’anonymat, un responsable local des VDP dans la province du Sanmatenga (Nord).
Selon Drissa Traoré, expert en géopolitique, « les groupes terroristes s’en prennent à tous les symboles de l’Etat et les VDP sont vus comme tels ». « Ayant une parfaite connaissance des localités et des pistes, ils apportent une aide précieuse » à l’armée, « donc cibler ces éléments, c’est tenter d’annihiler cette aide », ajoute-t-il.
« La mission première des VDP c’est le renseignement. S’en prendre à eux c’est vouloir empêcher ce renseignement et cette proximité avec les populations locales », note une source de haut rang des services de sécurité du Burkina.
Pour Drissa Traoré, « il est clair que les VDP posent un sérieux problème au jihadisme devenu endogène, mettant ainsi face à face des frères de mêmes localités, voire de mêmes villages ».
Mais relève-t-il, « si les groupes jihadistes s’en prennent aux VDP, les forces de défense et de sécurité demeurent leur cible privilégiée ».
S’il juge « déplorable de perdre autant de frères », Mahamadi Youl estime cependant qu’ils « ne sont pas morts pour rien, le résultat est là: les populations qui avaient fui leurs localités y retournent parfois sous notre escorte, c’est cela notre satisfaction, notre victoire ».
Source: La Minute Info