En Uruguay, pays pratiquement dépourvu d’industries et comptant près de quatre bovins par habitant, le bétail est à lui seul responsable de 62% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Un programme international vise à verdir l’élevage, principal produit d’exportation du pays.
Quelque 12 millions de boeufs, veaux et vaches gambadent dans les immenses prairies de ce petit pays de 3,4 millions d’habitants, grand comme un quart de la France. Mais si les Uruguayens restent les champions du monde de la consommation de viande (50 kg/an/personne), l’essentiel de la production part à l’étranger, en particulier vers la Chine.
Ainsi la filière viande et ses dérivés représente le premier poste d’exportation (16%) et un important pourvoyeur de devises. En 2019, 2,2 millions de bovins abattus et exportés ont rapporté quelque 1,83 milliard de dollars, soit 83% des revenus d’exportation de l’ensemble de la filière viande, selon l’Institut national des viandes (INAC).
Or les 19.800 tonnes d’équivalent CO2 rejetés chaque année, essentiellement du méthane issu de la digestion des vaches, « joue un rôle important dans le changement climatique », rappelle Cecilia Jones, de l’Unité agricole pour la durabilité et le changement climatique au ministère uruguayen de l’Elevage (MGAP).
Pour tenter de diminuer son empreinte carbone, l’Uruguay mène donc depuis 2020 le projet « Élevage et climat » avec l’appui technique de l’Agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le financement du Fonds pour l’environnement mondial (FEM).
L’objectif est de réduire les émissions directes et indirectes de GES, de « séquestrer » le carbone dans le sol et d’inverser les processus de dégradation des terres « grâce à des pratiques intelligentes sur le plan climatique », explique à l’AFP Soledad Bergos, coordinatrice nationale du projet. Il s’agit aussi d’augmenter la productivité pour avoir moins de vaches dans les champs.
La caractéristique de l’élevage uruguayen « est qu’il se pratique principalement sur des pâturages naturels (…) une ressource extrêmement précieuse », rappelle l’agronome. En Uruguay, les prairies tempérées occupent 50 % du territoire, contre 8% sur l’ensemble de la planète.
La gestion des champs est donc au centre du projet, car un pâturage en bon état emprisonne davantage de carbone. « Nous avons appris à réguler le pâturage », souligne Mme Bergos car « plus l’herbe a de brins et de longueur, plus elle est de qualité ». Il s’agit aussi de savoir combien de bovins peut supporter un champ en fonction de la saison.
– Synchronisation –
Au total, 62 élevages bovins participent au projet, dont celui de Rosa Correa, 56 ans, qui gère avec son mari Alejandro un élevage de 800 hectares à Cerro Pelado, dans le département de Lavalleja, dans l’est du pays.
La synchronisation des saillies puis des gestations, ainsi que le sevrage des veaux, sont quelques-unes des pratiques qu’elle et son mari ont commencé à mettre en œuvre sur les conseils des techniciens de la FAO.
« Elles vont toutes être enceintes en même temps », explique l’éleveuse en observant un groupe d’une vingtaine de vaches dans son champ. En synchronisant les saillies, environ 85% des vaches tombent enceintes, au lieu des 45-50% autrefois.
C’est « l’un des moyens d’augmenter la productivité de manière durable », explique-t-elle à l’AFP, car on obtient plus de kilos de viande (de veau) sans augmenter le nombre de bovins.
Les conseils distillés ont poussé la famille à réorganiser, sans engager de dépenses supplémentaires, leur façon de travailler qui se transmettait à travers les générations.
Reste la question de la consommation mondiale de viande.
Selon l’ONG de défense de l’environnement Greenpeace, « une réduction de 50% de la production de viande et de produits laitiers d’ici à 2050 par rapport aux niveaux actuels permettrait de diminuer les émissions de GES liées au secteur agricole de 64% ».
Et les déclarations récentes du milliardaire américain Bill Gates sur la nécessité pour les pays riches de consommer de la viande synthétique pour lutter contre le changement climatique, ont suscité un tollé en Uruguay.
« Il y a des gens qui disent +le bétail ne pollue pas, d’autres choses polluent beaucoup plus !+ Oui, d’accord, mais l’objectif est d’essayer de ne rien polluer », souligne Rosa Correa.
Source: La Minute Info