Le Nigeria n’attire qu’une petite part des investissements pétroliers et gaziers en Afrique alors qu’il est le premier producteur d’or noir sur le continent et que nombreuses de ses réserves restent encore à exploiter.
Le secteur a la réputation d’être corrompu et peu productif. Les coûts de production y sont particulièrement élevés. Et les régions pétrolifères, polluées et aux infrastructures délabrées après des années d’exploitation, sont en proie à une forte insécurité.
Pour répondre à ces défis, et maximiser les revenus pétroliers de ce pays membre de l’OPEC, le gouvernement nigérian travaille depuis une quinzaine d’année sur une nouvelle réglementation.
Le pays qui compte, avec l’Inde, le plus grand nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté au monde et qui a désespérément besoin de trouver des revenus supplémentaires, espère que cette réforme encouragera les investissements.
En septembre dernier, les parlementaires ont reçu ce nouveau projet de loi pétrolière (PIB), plusieurs fois débattu depuis près de quinze ans, qui devrait théoriquement être voté en avril, et inscrit dans la loi en mai.
– Sur quoi porte cette loi ?
Cette loi, soumise à l’examen de l’Assemblée nationale, veut donner un cadre légal et fiscal à l’industrie du gaz et du pétrole nigérian. Si elle est adoptée, elle acterait trois principaux changements.
Tout d’abord, concernant les redevances et la fiscalité, le nouveau cadre est particulièrement compliqué mais il vise désormais à imposer davantage de taxes sur la production et moins sur les profits.
Plus favorable ou non aux investissements, il est difficile de trancher: d’un côté, « il y a une réduction des impôts et des redevances », explique à l’AFP Gail Anderson, directrice de recherche à Wood Mackenzie, un cabinet de conseil spécialisé dans les énergies. Mais de l’autre, « il y aura plus de coûts qui ne seront plus déductibles des taxes ».
Deuxièmement, cette loi ambitionne d’acter l’obligation pour les compagnies pétrolières d’établir des fonds de développement au bénéfice des communautés qui habitent dans les zones pétrolifères.
Elles devront ainsi verser 2,5% de leurs dépenses dans la zone d’exploitation pour alimenter ces fonds. Mais « dans le cas où les infrastructures des compagnies pétrolières seraient vandalisées par les communautés, les compagnies pourraient puiser dans ces fonds pour les réparer », explique Benjamin Augé, chercheur à l’Ifri et spécialiste du Nigeria.
Troisième et dernier point, cette loi ambitionne de transformer la compagnie publique pétrolière, la Nigeria National Petroleum Commission (NNPC), en une société commerciale. « Cela permettrait à cette entité de lever directement des fonds sur les marchés, sans passer par l’Etat nigérian, qui ralentit les processus et n’inspire pas toujours confiance auprès des marchés », ajoute M. Augé.
Cette loi créerait également deux nouvelles autorités de régulations, avec pour objectif théorique de limiter notamment les pouvoirs du ministre du pétrole.
– Quelles réactions face à cette loi ?
Les compagnies pétrolières internationales affirment que cette loi va freiner les investissement en offshore, très coûteux en investissements – d’où la moitié de la production nigériane est extraite.
Lors d’une audience publique, le président d’une association de producteurs pétroliers, représentant Total, Chevron, Exxon Mobil et Shell, a demandé un allégement des redevances pendant les cinq premières années de production pour les projets en eau profonde.
Les communautés, elles, affirment qu’après 60 ans de dégradations environnementales, les compagnies pétrolières devraient verser non pas 2,5% de leur revenu d’exploitation au fonds de développement, mais 10%.
Sur la restructuration de la compagnie publique en entité commerciale, de nombreux analystes estiment que le pouvoir restera dans les mains du gouvernement fédéral, qui pourra toujours choisir les membres du conseil d’administration.
L’examen à l’Assemblée nationale espère trancher ces différends.
– Quel impact aura cette loi ?
Si la loi est adoptée, il sera difficile de mesurer rapidement ses effets étant donnée qu’elle laissera le choix aux compagnies de décider si leurs activités seront régulées selon l’ancienne ou la nouvelle réglementations, jusqu’à la fin de leur licence.
Elle supprimerait toutefois l’incertitude réglementaire qui durant des années ont découragé les investissements. Mais savoir si elle permettra de rendre l’or noir nigérian plus compétitif, cela reste à prouver.
« La situation sécuritaire reste le plus gros problème », affirme M. Anderson.
Les groupes armés, qui creusent des trous dans les oléoducs pour y voler la production, provoquant des désastres écologiques, et qui multiplient les enlèvements contre rançons sur terre comme sur mer continuent à prospérer.
Cette insécurité constante a un impact important sur le prix de l’exploitation, et donc sur les politiques d’investissement.
Source: La Minute Info