Confrontés à la précarité et aux chamboulements de la crise sanitaire, les étudiants sénégalais ont massivement participé au mouvement de contestation qui a secoué le pays, une manière aussi d’exprimer leur colère face un avenir morose.
Du 3 au 8 mars, le Sénégal a été le théâtre de scènes d’affrontements et de pillages qui ont fait plusieurs morts, pour la plupart âgés de moins de 25 ans.
Ces violences, inédites depuis une décennie, ont éclaté après l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, visé par des accusations de viol, qu’il réfute et attribue à un complot ourdi par le président Macky Sall pour l’écarter de la scène politique.
Certes, les manifestants qui ont envahi les rues de Dakar et des villes de province réclamaient pour beaucoup la libération du député, troisième lors de la dernière présidentielle en 2019 et sérieux candidat pour celle de 2024.
Mais d’autres revendications se sont fait jour, notamment chez les étudiants, qui ont réclamé, comme ils le font depuis des années, une amélioration de leurs conditions de vie et d’études.
Alors que la qualité des universités sénégalaises a longtemps été un modèle en Afrique de l’Ouest, de Dakar à Saint-Louis (Nord) et Ziguinchor (Sud), les amphis sont aujourd’hui bondés et les logements universitaires surpeuplés.
Depuis un an, la pandémie de coronavirus a fait disparaître les petits emplois étudiants, nourrissant l’exaspération, racontent des étudiants rencontrés par l’AFP.
A l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), la plus grande du pays, les professeurs absents ne sont pas toujours remplacés. « Dans ces cas-là, on révise et on essaie d’avancer seul, comme on peut », dit Coumba, une étudiante.
– « Frustration accumulée » –
Fermées pendant six mois pour cause de coronavirus, les universités ont rouvert en septembre, mais les retards accumulés n’ont généralement pas pu être résorbés.
A l’Ucad, seule la faculté de médecine est à jour, souligne le représentant des étudiants du parti d’Ousmane Sonko, Diamé Faye, pour qui l’opposant a « saisi la souffrance de la jeunesse ».
Alors, au-delà des appartenances politiques, « on manifestait de 08H00 à 19H00 » et « seul le couvre-feu nous faisait quitter l’espace public », dit-il.
Quelque 300.000 jeunes décrochent chaque année leur diplôme dans le pays du président-poète et père de l’indépendance Léopold Sédar Senghor. Mais seul un tiers trouve ensuite du travail, souligne le coordonnateur d’un collectif de diplômés sans emploi, Yves Nzalé.
« C’est toute cette frustration accumulée qui a débordé » lors des journées de mars, qui ont vu des centaines d’étudiants retranchés sur le campus de l’Ucad lancer des morceaux de parpaing sur des policiers, qui répliquaient à coups de gaz lacrymogène, explique une étudiante en management de 19 ans, Ndeye Fatou Ndoye.
Bien sûr, l’arrestation d’Ousmane Sonko l’a mise en colère. Mais il y a plus: « Les jeunes sont morts pour la démocratie. Nous voulons être libres », affirme-t-elle.
Les déclarations d’Ousmane Sonko contre la mainmise selon lui sur le Sénégal de puissances étrangères, et en particulier de la France, trouvent un écho sur les campus.
Maillot jaune des Lakers sur les épaules, un club de basket américain, Ibrahima, qui préfère rester anonyme, y voit un « espoir pour l’avenir ». Paraphrasant Donald Trump, il dit: « Make Senegal Great Again » (« Rendez au Sénégal sa grandeur »).
Alors que le calme est revenu après la libération sous contrôle judiciaire d’Ousmane Sonko, le président Sall a dit « comprendre les préoccupations des jeunes ».
A la télévision, il promis de débloquer plus de 500 millions d’euros pour favoriser leur insertion professionnelle. De quoi répondre aux « aspirations » de la jeunesse, espère un membre de la section étudiante d’un parti de la majorité, Cheikh Mbaba Diop.
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Source:La Minute Info