Ce samedi, près de 7,5 millions d’électeurs ivoiriens sont appelés aux urnes pour une élection législative qui s’annonce disputée. Pour la première fois depuis dix ans, les trois grands partis du pays, le RHDP, le PDCI et le FPI tendance Gbagbo, participent à un scrutin. L’occasion pour la Côte d’Ivoire de peut-être tourner la page de 20 ans de violences électorales. Analyse des enjeux de ce scrutin avec Christophe Boisbouvier du service Afrique de RFI.
Une élection passionnante ?
Ces législatives sont passionnantes parce que ce sont, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, les élections législatives les plus ouvertes depuis 25 ans. En 2000, le RDR d’Alassane Ouattara a boycotté ce scrutin. En 2011 et en 2016, c’est le FPI qui a boycotté. Cette fois-ci, nous allons donc voir compétir les trois plus grands partis de Côte d’Ivoire : le RHDP d’Alassane Ouattara, le PDCI d’Henri Konan Bédié et le FPI de Laurent Gbagbo. C’était pourtant très mal parti. En octobre, le PDCI d’Henri Konan Bédié, le FPI de Laurent Gbagbo et de Pascal Affi N’Guessan ont appelé au boycott de la présidentielle et à la désobéissance civile. Affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre, 87 morts. Puis, il y a eu des gestes d’apaisement. En novembre, Henri Konan Bédié rencontrait Alassane Ouattara. En décembre, Alassane Ouattara a fait délivrer deux passeports à Laurent Gbagbo qui vit en liberté conditionnelle à Bruxelles et qui espère rentrer dans les prochaines semaines. Et puis, à la veille de Noël, coup de théâtre, le FPI de Laurent Gbagbo a annoncé qu’il irait aux législatives.
Pourquoi ce coup de théâtre ?
Depuis la crise postélectorale de 2010-2011, depuis la capture de Laurent Gbagbo en avril 2011, les partisans de l’ancien président considèrent qu’Alassane Ouattara est un usurpateur et refusent toute participation à la vie publique. Là, ça y est, les « Gbagbo ou rien » reviennent dans le jeu politique. Et aujourd’hui en Côte d’Ivoire, beaucoup espèrent que ce pays va enfin tourner la page de 20 ans de violences politiques.
Quelles sont les chances de l’opposition ?
Du côté de l’opposition, on fait un calcul simple : on constate qu’il y a trois grands partis en Côte d’Ivoire et que quand deux de ces trois partis s’allient contre le troisième, ils obtiennent la majorité. On pense notamment à la présidentielle de 2010. C’est pourquoi le PDCI d’Henri Konan Bédié et le FPI de Laurent Gbagbo font alliance ce coup-ci et présentent des candidats communs dans presque toutes les circonscriptions du pays, à quelques exceptions près comme Gagnoa. Du côté de l’opposition, on fait aussi un deuxième calcul. On estime que le RHDP peut subir l’usure du pouvoir et que tous les partisans de l’opposition, qui sont frustrés peut-être d’avoir boycotté la présidentielle du 31 octobre, vont se défouler massivement lors de ces législatives en allant dans l’isoloir. Henri Konan Bédié fait campagne autour du thème « non au pouvoir absolu » du RHDP d’Alassane Ouattara. En fait, pour l’ancien président Bédié, ces législatives, c’est aussi une occasion de mesurer le vrai poids politique du PDCI près de trois ans après la rupture avec le RHDP.
Quelles sont les chances du pouvoir ?
Du côté du pouvoir, on est très confiant. Certes le Premier ministre Hamed Bakayoko est souffrant, il est hospitalisé en France. Mais cette semaine, il a tweeté un message d’encouragement pour ses camarades qui sont candidats, comme lui, pour le RHDP. Le président Alassane Ouattara sait qu’une élection en Côte d’Ivoire n’est jamais gagnée d’avance, alors il met le paquet. Il demande à quasiment tous les ministres de son gouvernement de se porter candidat à ces législatives. Ils sont une trentaine à mouiller le maillot. Ils portent deux arguments. D’abord, ils dénoncent le fait que beaucoup d’opposants aient appelé à la désobéissance civile, il y a six mois. Ils affirment donc que les candidats de l’opposition se sont discrédités et ne sont pas dignes de la confiance des Ivoiriens. Et puis, ils défendent le bilan du RHDP sur ces dix dernières années. Ils affirment que le revenu des Ivoiriens a augmenté, que le système de santé s’est amélioré, qu’il y a de plus en plus de salles de classe, que le pays sera électrifié à 100% dans cinq ans. Donc vous le voyez, c’est une campagne argument contre argument, bilan contre bilan, projet contre projet. Une vraie campagne politique comme la Côte d’Ivoire n’en avait pas connue depuis plus de 10 ans.
Source: Rfi