Des milliers de partisans du Hirak sont redescendus dans la rue vendredi en Algérie, après un an d’arrêt des manifestations à cause de la pandémie de Covid-19, marquant le retour des marches hebdomadaires du mouvement de protestation antirégime.
Malgré l’interdiction des rassemblements pour des raisons sanitaires, plusieurs cortèges se sont formés en début d’après-midi après la prière du vendredi dans des quartiers populaires d’Alger, notamment à Bab El Oued, pour rejoindre le centre-ville, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
« C’est grandiose. C’est comme les grands vendredis du Hirak », a confié Yacine, un protestataire, à propos des défilés hebdomadaires interrompus après le 13 mars 2020 en raison de la crise sanitaire.
A Alger, les manifestants semblaient au moins aussi nombreux que lundi quand des milliers de personnes avaient défilé à l’occasion du deuxième anniversaire du Hirak (22 février 2019), selon des témoins.
Jeudi, des hirakistes avaient appelé sur les réseaux sociaux à respecter le port du masque lors de la manifestation du vendredi, après le relâchement observé en début de semaine.
« La port du masque sanitaire nous protège », « Notre Hirak se poursuit avec conscience et responsabilité », pouvait-on lire sur des affiches publiées en ligne par le collectif de la diaspora algérienne Ibtykar.
Nombreux cependant restaient ceux à ne pas le porter.
Les forces de l’ordre ont utilisé matraques et gaz lacrymogènes sur une grande artère de la capitale quand des manifestants ont forcé un barrage de police pour rejoindre la Grande Poste, lieu emblématique des rassemblements antirégime à Alger, selon une vidéo publiée par le site d’information Interlignes.
« Ni islamiste ni laïc mais hirakiste », pouvait-on lire sur une affiche brandie par la foule qui scandait « Un Etat civil et pas militaire », une des principales revendications des contestataires qui réclament une « démilitarisation » de l’Etat algérien.
Les slogans phares du Hirak étaient également de retour: « Le peuple veut la chute du régime », « Algérie libre et démocratique » ou encore « Silmiya, silmiya (pacifique) », en référence à la nature non violente du mouvement.
Comme si le temps était resté suspendu pendant un an, les mêmes visages, les mêmes drapeaux et les mêmes chants ont réinvesti la rue.
– « Le peuple est dans la rue » –
« On ne reviendra pas en arrière », scandaient des femmes regroupées en marge de la marche à Alger.
Une de leurs pancartes affichait: « Vous avez attisé dans nos coeurs une révolution qui ne peut s’éteindre qu’avec votre départ ».
Dès le matin, des camions de la police avaient pris position à proximité des principales places du centre-ville et des barrages filtrants ont été installés sur plusieurs axes routiers menant à la capitale.
Des rassemblements étaient également en cours en province, notamment à Bejaïa et Tizi Ouzou, en Kabylie (nord-est), à Bordj Bou Arreridj (est) et à Oran (nord-ouest), où un pilier des droits de l’Homme, l’universitaire Kadour Chouicha, a été interpellé, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien.
Le CNLD a fait état d’autres interpellations, notamment à Tlemcen (ouest), Annaba et Skikda (est).
« Le Hirak est définitivement de retour. Le peuple est dans la rue. Il faut maintenant lui proposer une offre politique, celle qu’il réclame. Il faut la structurer, lui donner des mots, un sens, un mode d’emploi, une ligne conductrice. Il faut faire une offre politique au pouvoir », a plaidé un internaute algérien sur Twitter.
Amnesty International a dénoncé cette semaine « une stratégie délibérée des autorités algériennes visant à écraser la dissidence ».
« Une stratégie qui vient contredire leurs promesses en matière de respect des droits humains », selon Amna Guellali, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty.
Source: La libre Afrique