Mahamane Ousmane, premier président démocratiquement élu du Niger en 1993 et outsider du second tour de la présidentielle de dimanche, tente pour la cinquième fois de reconquérir le pouvoir qu’il a perdu lors d’un coup d’Etat militaire en 1996.
Ousmane affrontera Mohamed Bazoum, le dauphin désigné du président Mahamadou Issoufou, en position mathématiquement idéale avec 39,3%, contre près de 17% à l’opposant au premier tour du 27 décembre.
“Nos alliés sont les populations qui souffrent dans leur chair au Niger”, a-t-il déclaré à l’AFP durant la campagne. “Nous allons gagner”, assène-t-il en évoquant un “sursaut” dans les urnes qui feraient mentir les pronostics donnant Bazoum gagnant.
Economiste formé en France et au Canada, M. Ousmane, 71 ans, est un ténor de la vie politique nigérienne. Depuis plus de trente ans, il fait partie de ce petit groupe de politiques dont le nom revient à chaque scrutin dans des alliances à chaque fois différentes.
Grâce à ces alliances, il est élu président en 1993 face au tout puissant Mouvement national pour la société de développement (MNSD, ex-parti unique) de Mamadou Tandja.
Mais sa présidence tourne court après une cohabitation tumultueuse avec deux ambitieux: Mahamadou Issoufou (au pouvoir depuis 2011, ndlr) à l’époque président du Parlement, et Hama Amadou, son Premier ministre issu du MNSD, aujourd’hui opposant farouche à Issoufou et soutien d’Ousmane.
Finalement, un putsch militaire l’évince du pouvoir en 1996. Quelques années plus tard, il devient le principal allié de son adversaire d’antan, Mamadou Tandja, dont Ousmane est l’artisan de la victoire en 1999.
Il devient président du Parlement, poste qu’il gardera pendant dix ans.
Ousmane, alias “Le Maradona de la politique”, a su contourner moult obstacles pour rester dans toutes les élections présidentielles depuis le multipartisme en 1990. Il n’en a plus gagné depuis 1993.
Toujours vêtu d’un grand boubou et d’un bonnet rouge, Ousmane est un musulman “modéré” qui consacre une partie de son temps à la lecture du coran et dirige les prières avec son entourage, confie un de ses proches.
En 2009, pour “sauver la démocratie”, au prix de son confortable perchoir, il a choisi de “tourner le dos” à Tandja qui voulait s’acccrocher au pouvoir. Ce dernier est renversé par un putsch un an plus tard.
A deux mois de la présidentielle de 2016, il est exclu de son parti, la Convention démocratique et sociale (CDS), qui l’avait porté au pouvoir et qu’il dirigeait depuis 25 ans.
– “Presque oublié” –
On prédit alors à Ousmane une mort politique certaine, lui accuse Issoufou de vouloir l’écarter. Mais il se présente, encore et toujours, sous la bannière d’un petit part et se classe 4e.
En 2017, il crée le Renouveau démocratique et républicain (RDR) dans la perspective des élections générales de 2021.
“Ousmane est un vrai démocrate, contrairement à certains qui pensent arriver au pouvoir par tous les moyens, y compris en brûlant tout”, commente Amadou Bounty Diallo, analyste et enseignant à l’université de Niamey.
Au Niger, les coups d’Etat militaires ont été presque aussi nombreux que les élections démocratiques depuis l’independance de 1960.
“Il est en train de subir une résurrection, les Nigériens l’ont même presque oublié!”, constate-t-il.
Ousmane peut en tout cas remercier l’opposant Hama Amadou, qui lui a apporté son soutien quelques semaines avant le scrutin, faute de pouvoir se présenter lui-même en raison d’une condamnation à un an de prison en 2017 dans une affaire de trafic d’enfant.
Lors de ses meetings, Mahamane Ousmane s’est présenté comme le “sauveur déterminé” du Niger, et n’a cessé de critiquer le bilan des années Issoufou dont Bazoum se réclame.
“Quand j’étais arrivé au pouvoir en 1993, le pays était aussi au creux de la vague: situation économique désastreuse, paix sociale menacée, nous avions une dizaine de fronts de rébellion armée (touareg) mais nous avions su gérer la situation et remettre le pays sur les rails”, argue-t-il.
Pour accomplir le miracle de la victoire, il compte sur le soutien d’une dizaine de candidats recalés au premier tour et sur une promesse de “tchanji!”, changement en langue haoussa, pour, dit-il, ne pas “encore aller plus bas”.