Le président centrafricain Faustin-Archange Touadera a missionné son ministre des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Temon, pour rencontrer son homologue camerounais, Paul Biya. Le 10 février dernier, la patronne de la diplomatie centrafricaine « porteuse du message et de la voix » a été reçue en audience par le chef de l’Etat camerounais.
Officiellement, l’échange, d’une durée de 60 minutes chrono, visait à « présenter la situation qui prévaut en RCA » au doyen des chefs d’Etat de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale. « Aujourd’hui, la RCA fait face à de nombreuses tentatives de déstabilisation. La situation en RCA est une menace pour toute la sous-région, en particulier pour le Cameroun », a déclaré l’émissaire centrafricain au perron du Palais de l’Unité.
Si le Cameroun a toujours été un fort allié pour la RCA, notamment à travers la composante la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca), l’opération de maintien de la paix des Nations Unies ; Faustin-Archange Touadera espère obtenir un soutien supplémentaire des autorités camerounaises pour ramener la paix dans son pays.
Concrètement, Bangui souhaite l’implication de Paul Biya et capitaliser son influence pour résoudre la crise. Notamment en prenant part à l’organisation de la prochaine réunion prévue dans le cadre de la Conférence internationale pour la Région des Grands Lacs (CRGL), convoquée à l’initiative du président angolais.
« La RCA est un pays stratégique au cœur de la sous-région, il important que sa situation soit maîtrisée, en tout cas qu’il y ait une accalmie pour que cette situation n’ait pas de répercussions sur les pays voisins », explique la ministre centrafricaine des Affaires étrangères.
Le projet de déstabilisation de ce pays voisin est mené par la Coalition des patriotes pour le Changement (CPC), un regroupement des mouvements des rebelles centrafricains qui a décidé de prendre les armes pour chasser du pouvoir le président Touadera, pourtant réélu au premier tour de l’élection présidentielle du 27 décembre dernier.
Les autorités centrafricaines accusent l’ancien président François Bozizé (74 ans) d’être le cerveau du coup de force visant à renverser les institutions. En lice pour la présidentielle de décembre dernier, il a vu sa candidature invalidée par la Cour constitutionnelle à cause des sanctions pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui pèsent sur lui. D’où son recours à la force. Dans un message audio qui circule sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, François Bozizé appelle les Centrafricains à soutenir la coalition armée.
Selon un décret signé vendredi 12 février 2021 par le président Touadera, deux jours après le passage de son envoyé spécial sur Yaoundé, François Bozizé, ses deux enfants à savoir Francis Bozizé (ancien ministre) et Rodrigue Bozizé (capitaine de la gendarmerie), ont été définitivement radiés de l’armée nationale centrafricaine. Motifs évoqués : « atteinte à la sûreté de l’État, association des malfaiteurs et appartenance à la rébellion de la coalition des patriotes pour le changement (CPC) ».
Le Cameroun paye déjà un lourd tribut du fait de l’instabilité de l’Etat centrafricain. Le pays doit non seulement assurer l’accueil des réfugiés centrafricains qui affluent par millier, mais aussi faire face aux groupes rebelles centrafricains qui s’attaquent régulièrement aux populations camerounaises tout au long de la frontière.
De plus, du point de vue économique, ce climat d’insécurité empêche des échanges commerciaux sur le corridor Douala-Bangui sur lequel transitent des marchandises pour environ 55 milliards FCFA chaque année, selon la Douane camerounaise. Corridor est névralgique pour la Centrafrique, en ce qui constitue la principale route d’approvisionnement de la capitale centrafricaine.
Source: Investir Au Cameroun