Attaque contre Ganiou Soglo au Bénin : une enquête et des polémiques

© Youri Lenquette pour JA Ganiou Soglo, au domicile de la famille Soglo à Cotonou, en juin 2016.

L’enquête sur l’attaque dont a été victime Ganiou Soglo, candidat à la présidentielle, se poursuit. À l’opposition qui soupçonne un acte politique, les autorités assurent que tout est mis en œuvre pour identifier les agresseurs.

Tout au long du week-end, les personnalités politiques qui comptent au sein de l’opposition béninoise se sont succédé au chevet de Ganiou Soglo, touché par balle lors d’une embuscade, vendredi soir. Son père, d’abord, l’ancien président Nicéphore Soglo, s’est aussitôt rendu au centre national hospitalier universitaire Hubert Maga, accompagné de Joël Aïvo, le constitutionnaliste qui portera les couleurs du Front pour la restauration de la démocratie (FRD) à la présidentielle du 11 avril prochain. L’ancien président Thomas Boni Yayi a également fait le déplacement. Tout comme Reckya Madougou, candidate du parti Les Démocrates.

Une « tentative d’assassinat » ?

Dans la presse et sur les réseaux sociaux, les réactions ont été nombreuses au lendemain de l’agression dont a été victime celui qui, quelques jours auparavant, avait été l’un des premiers à déposer son dossier de candidature à la présidentielle devant la Commission électorale nationale autonome (Cena). Un acte « lâche, inacceptable et incompréhensible », a dénonce Candide Azannaï, ancien ministre de la Défense désormais opposant.

Reckya Madougou a de son côté jugé que cette attaque relèvait du « terrorisme politique », estimant que Ganiou Soglo avait « réchappé à [une tentative d’] assassinat ». Des motivations politiques que soupçonne également le frère de la victime, Léhady Soglo, qui évoque un « attentat » dont « les auteurs doivent être recherchés et traduits devant la justice ».

De l’autre côté du spectre politique, dans le camp du président Patrice Talon, on appelle à la prudence. Si Lazare Sehouéto, de l’Union progressiste (UP, majorité), regrette ces « tristes évènements » et réclame que les autorités fassent la lumière sur cette attaque, il déplore également que « l’on crie au terrorisme politique ou à la tentative d’assassinat politique ».

« Nous sommes pressés que l’enquête aboutisse, pour que ces accusations sans fondement cessent le plus vite possible », insiste une source à la présidence béninoise, où le dossier est suivi de près. « D’importants efforts pour améliorer la sécurité des Béninois ont été réalisés, le président suit donc la situation avec intérêt, car elle concerne un de nos compatriotes, continue notre interlocuteur au palais de la Marina. Mais il convient de ne pas tirer de conclusions hâtives. Il y a beaucoup de zones d’ombre dans cette affaire. »

L’enquête, qui est conduite sous la direction du procureur près du tribunal de première instance d’Abomey-Calavi, Aubert Kodjo, n’a pour l’instant pas permis d’identifier les auteur de l’attaque. Selon les versions délivrées par Ganiou Soglo et son chauffeur, ils ont été bloqués sur une route de brousse aux alentours de 20h, vendredi soir, près du village de Zinvié, alors que le candidat déclaré à la présidentielle revenait de la ferme qu’il possède dans la région d’Abomey-Calavi.

Des hommes armés non identifiés, qui avaient installé des troncs d’arbres en travers de la route, ont immédiatement fait feu, semblant viser l’arrière du véhicule où se trouvait Ganiou Soglo. Le chauffeur est parvenu à forcer le passage et à rejoindre la route avant d’emmener son passager en urgence à la clinique Mahouna, à Cotonou. Ganiou Soglo, touché par une balle au thorax, a ensuite été transporté au centre national hospitalier universitaire Hubert Maga, où il a été admis en soins intensifs. Il a, depuis, été de nouveau transféré à la clinique Mahouna.

« Je serai candidat »

Ganiou Soglo, qui est toujours sous surveillance médicale, n’a pas pu être joint par JA. « J’ai une balle qui s’est logée dans le thorax, non loin du cœur. Je ne peux pas dire que je suis en forme mais je suis vivant », a-t-il déclaré dans un entretien accordé à nos confrères de TV5 Monde, dimanche soir.

Ganiou Soglo, qui n’a présenté aucun colistier au poste de vice-président et qui ne compte pas se soumettre à la règle imposant au moins 16 parrainages de maires ou de députés, a assuré avoir l’intention d’aller « jusqu’au bout » de la campagne présidentielle. « Je vais me soigner et je vais rentrer pour battre campagne. Dans tous les cas je serai candidat », a-t-il assuré. Selon nos informations, une évacuation sanitaire vers la France avait un temps été envisagée, mais il pourrait finalement être évacué vers le Maroc, dès que son état de santé sera stabilisé.

« Nous savons que cette affaire intéresse fortement l’opinion publique et ferons des points d’étape dès que nous aurons des éléments », a assuré à Jeune Afrique le procureur Aubert Kodjo, précisant que « la victime, ainsi que son chauffeur, ont d’ores et déjà été entendus par les enquêteurs » et que ces derniers « se sont transportés sur les lieux de l’attaque » pour établir les premières constatations.

Lors d’une conférence de presse, samedi 6 février, Roger Tawes, le porte-parole de la police républicaine – qui rassemble depuis 2018 la police et la gendarmerie – a annoncé que les services de la police technique et scientifique avaient également inspecté le véhicule. Ce lundi, l’un des assistants de Gagnou Soglo, ainsi qu’un des employés travaillant dans sa ferme, ont également été auditionnés. « Toutes les hypothèses seront étudiées pour élucider cette affaire », a assuré Roger Tawes.

  Source: Jeune Afrique