Les prévisions de croissance pour l’Afrique centrale sont assombries par la pandémie de Covid-19; l’absence de diversification des économies, la faiblesse du capital humain, le manque d’emplois décents et de compétences appropriées sont des défis majeurs pour l’Afrique centrale.
Confrontés à des prévisions de croissance revues à la baisse en raison de la pandémie de Covid-19, les pays d’Afrique centrale devraient mettre en œuvre des programmes de développement de compétences et de capacités nouvelles adaptées aux réalités économiques actuelles et à venir, selon les « Perspectives économiques en Afrique centrale 2020 » de la Banque africaine de développement (www.AfDB.org) présenté, en visioconférence ce jeudi 16 juillet.
Avant la pandémie, la Banque tablait sur une croissance de 3,5% du PIB réel de l’Afrique centrale en 2020. Depuis, le taux a été révisé à -2,5% dans la version le plus optimiste, soit une perte de 6,1 points de pourcentage, et à -4,3% dans le cas le plus pessimiste, soit une perte de 7,8 points.
Solomane Koné, directeur général Afrique centrale par intérim à la Banque africaine de développement a expliqué que plusieurs facteurs expliquent ce renversement de situation. « Ces projections sont négativement impactées par des facteurs externes liés à la baisse de la croissance mondiale, à la demande extérieure, aux réductions des investissements, etc, et au niveau interne par l’insécurité et l’instabilité politique, les problèmes de gouvernance économique, de déséquilibres macroéconomiques et le manque de diversification économique, etc. »
Le directeur du Département des économies‑pays à la Banque, Emmanuel Pinto Moreira, a ajouté que l’Afrique centrale a été touchée par la crise à travers cinq canaux essentiellement : la baisse des prix des matières premières, la chute des recettes touristiques, la baisse des transferts de migrants et des investissements directs et les difficultés dans le secteur financier.
« Mais lorsqu’il y a une crise, il y a aussi des opportunités et la région peut profiter de cette situation pour renforcer son système de santé, maintenir la stabilité macroéconomique, renforcer l’intégration qui est une nécessité et investir dans le capital humain », a-t-il indiqué.
En 2019, l’Afrique centrale a enregistré un taux de croissance de 2,8%, contre 3,2% pour la moyenne continentale. L’an dernier, les principaux indicateurs macroéconomiques de la région se sont améliorés : inflation de 2,6 % -la plus faible de toutes les régions-, solde budgétaire excédentaire de 0,5 % du PIB -seule région non déficitaire- et déficit de la balance courante à 1,9 % du PIB, soit la meilleure performance du continent.
Selon le rapport de la Banque africaine de développement, l’absence de diversification des économies, la faiblesse du capital humain, le manque d’emplois décents et de compétences appropriées sont des défis majeurs pour l’Afrique centrale. Le rapport recommande la mise en œuvre de programmes de développement des compétences et des capacités nouvelles adaptées aux réalités économiques, qui s’appuient sur les deux piliers principaux du capital humain : l’éducation et la formation d’une part, et la santé et la protection sociale, d’autre part.
Le rapport relève des dynamiques différentes sur la structure des emplois en fonction de l’activité économique principale des pays concernés. Les pays dits « agricoles » (Cameroun, République centrafricaine, RD Congo et Tchad) ont de faibles taux de chômage mais des taux très élevés de sous‑emploi, de travail informel et de vulnérabilité. Les pays « pétroliers » (Congo, Gabon et Guinée équatoriale) ont des taux de chômage relativement élevés, mais avec des emplois informels et une précarité plus réduite. Le rapport note aussi une inadéquation de l’offre de formation aux besoins réels des économies, et un faible niveau de financement public du système d’éducation et de formation.
Martine Mabiala, gouverneur suppléant de la Banque pour le Gabon, conseiller technique du ministre gabonais de l’Economie et des Finances, a exhorté la Banque à « réinvestir » davantage dans l’éducation et la santé afin d’aider les Etats à développer leur capital humain.
Le rapport appelle les États à prendre des mesures sanitaires et économiques appropriées pour contenir la pandémie, consolider la paix, la sécurité et la stabilité, et renforcer la gouvernance économique en poursuivant les efforts d’assainissement du cadre macroéconomique et du climat des affaires. Ces mesures visent aussi à promouvoir la diversification économique, investir dans les infrastructures et améliorer la mobilisation des ressources intérieures. Le rapport invite les pays d’Afrique centrale à juguler les effets du changement climatique et à développer le capital humain.
Daniel Ona Ondo, président de la Commission de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEMAC) a observé que les pays d’Afrique centrale font face à trois chocs : sanitaire, lié au coronavirus, sécuritaire lié à la piraterie dans le Bassin du Congo et économique lié à la baisse des revenus des matières premières. Il a plaidé pour la prise en compte de tous les pays dans les appuis et initiatives engagés par les partenaires techniques et financiers. « C’est une situation exceptionnelle, la crise touche tous les pays et il n’est pas bon d’exclure les pays à revenus intermédiaires. Il faut prendre tous les pays en compte pour leur permettre d’organiser la relance économique. »
Pour développer le capital humain, le rapport de la Banque recommande, à l’attention des autorités nationales, une réforme des systèmes éducatifs nationaux pour les adapter aux besoins réels des économies. Il appelle, d’une part, à renforcer les systèmes nationaux de santé et de protection sociale, afin de garder un capital humain toujours productif, et d’autre part, à promouvoir l’entreprenariat des jeunes et des femmes, afin de résorber le chômage et le sous-emploi. Le rapport recommande également la promotion des financements innovants pour l’éducation et la formation des jeunes et des femmes, l’amélioration de l’accès au financement, à l’énergie, et le développement des infrastructures.
A l’endroit des partenaires au développement, le rapport suggère qu’au-delà du financement de la réponse à la pandémie, leurs efforts devraient porter sur la conception et le financement des aspects suivants : étude de l’identification des secteurs à fort potentiel de création d’emplois et connaissant un déficit en compétences ; appui à la mise en place et au renforcement des systèmes d’assurance-maladie universelle ; appui à la mise en place des politiques de renforcement du contenu local pétrolier, gazier et minier ; appui à la mise en place de fonds de promotion de l’entreprenariat dans l’agro-industrie et l’agroforesterie ; généralisation des projets intégrés d’infrastructures avec des composantes éducatives et sanitaires ; appui aux programmes de bourses d’excellence scolaires en zones d’éducation prioritaires.
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