Mali: les forces antiterroristes soupçonnées d’ingérence dans les manifestations

MICHELE CATTANI / AFP Des manifestants hérissent des barricades à Bamako, le 11 juillet 2020.

Au Mali, plusieurs témoins, associations de défense des droits de l’Homme ou partis politiques font état de tirs à balles réelles sur les manifestants. Ils dénoncent l’utilisation de la FORSAT, la force spéciale anti-terroriste, dans le dispositif de maintien de l’ordre ces derniers jours.

 C’est au quartier de Badalabougou que les violences ont été les plus meurtrières, notamment dans la soirée de samedi. Dimanche matin, plusieurs habitants choqués décrivaient la présence d’hommes cagoulés, lourdement armés, en uniforme noir, certains dans des véhicules banalisés. Le Mouvement du M5 ainsi que le Parena, un parti de gouvernement, ont dénoncé dès dimanche l’intervention de la Forsat, la force spéciale anti-terroriste, pour contrôler les manifestations.

Ce mardi 14 juillet, dans un document confidentiel, la primature a demandé au ministère de la Sécurité d’enquêter sur les raisons de la présence de la Forsat dans les quartiers et sur le respect ou non de la procédure.

Cette force est née après la signature d’un arrêté par le ministre de la Sécurité sortant Salif Traoré. Selon l’article 3 de ce texte, cette unité n’intervient que sur ordre du ministre de la Sécurité. Sauf que depuis la démission du gouvernement le 12 juin dernier, Salif Traoré n’a toujours pas de remplaçant. Toujours selon ce texte, la Forsat est chargée de lutter contre le terrorisme et « aucune autre mission de sécurité ne peut lui être assignée ».

Il faut rappeler que cette force a été créée en 2016 après l’attentat jihadiste du Radisson Blue de Bamako. Elle a reçu plusieurs formations, notamment de l’EUTM, la mission de formation de l’Union européenne, mais aussi du Raid, une unité d’élite de la police nationale française. Selon le FSD, la coalition des partis d’opposition, la Forsat avait aussi été envoyée à Sikasso, le 7 mai dernier alors que la population manifestait contre les résultats des législatives. Deux blessés par balle avaient été signalés pendant ces manifestations.

 Le bilan officiel reste toujours de 11 décès et 124 blessés après les quatre jours de violences dans la capitale malienne. Vendredi après une manifestation des opposants du M5, des manifestants ont investi des édifices publics et érigé des barricades dans plusieurs quartiers de Bamako. Plusieurs témoins, associations de défense des droits de l’homme ou partis politiques font état de tirs à balles réelles sur les manifestants.

L’opposition durcit le ton

L’opposition malienne réunie au sein du Mouvement du 5 juin-RFP affirme désormais que son mémorandum – qui ne réclamait plus le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta – est caduc ! Elle réclame désormais sa démission et est prête, dit-elle, a uniquement discuter des conditions de son départ. « Si négociations il doit y avoir, elles doivent porter sur les conditions de départ de M. Ibrahim Boubacar Keïta. Ceux qui ont donné l’ordre de tirer sur des manifestants, ceux qui ont donné l’ordre devront répondre devant la justice et notre détermination est de taille », insiste Nouhoun Sarr, membre de l’opposition.

Autre décision des opposants à peine libérés : la poursuite de la désobéissance civile. « Cela se fera sans violence, sans casser quoi que ce soit, sans brûler quoi que ce soit. ous sommes des pacifistes et nous obtiendrons gain de cause en restant ordonnés et organisés », poursuit Nouhoun Sarr.

Et pour rendre hommage aux manifestants tués lors des évènements, l’opposition malienne appelle à un rassemblement ce vendredi, à la place de l’Indépendance de Bamako.

      Source : rfi