UELes 27 vont tenter de trouver un accord sur un plan de sauvetage l’économie européenne, mais le débat est très polarisé entre le Nord et le Sud de l’UE
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Les 27 dirigeants de l’Union européenne se réunissent ce jeudi en visioconférence, pour parler d’un plan de relance économique et des frontières dans le contexte de l’épidémie de coronavirus.
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Les divisions sont telles qu’il semble peu probable qu’un consensus soit trouvé ce jeudi. La mutualisation de la dette, réclamée par la France, l’Italie et l’Espagne, notamment, est rejetée par les Pays-Bas et l’Allemagne.
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Sans accord sur un mécanisme financier de solidarité entre Etats membres, l’UE risque de voir s’accroître la défiance à son égard, préviennent plusieurs chefs d’Etat.
Trouver des consensus à 27, par visioconférence, sur des sujets aussi délicats que la relance économique ou la fermeture des frontières, tel est le programme périlleux du sommet européen de ce jeudi. Depuis l’arrivée de l’épidémie de coronavirus sur le Vieux continent, les dirigeants des Etats membres de l’ Union européenne se sont déjà réunis (virtuellement) à trois reprises. Cette fois, les échanges devraient durer plusieurs heures, et se dérouleront, pour certains dirigeants, depuis leur domicile. Et les divisions sont telles que les 27 devraient remettre toute décision à plus tard.
Un plan de sauvetage économique
Le chantier de la relance économique sera au cœur des échanges, alors que la plupart des 27 ont confiné leur population et que le PIB de l’UE devrait baisser de 7,1 % en 2020, un record. « Une majorité se dégage sur l’idée d’un plan de sauvetage européen, mais les divisions demeurent sur les outils », explique Christian Lequesne, professeur à Sciences Po. Le montant débloqué devrait être sans commune mesure avec ce que l’UE avait dégainé après la crise financière de 2008, puisque Mario Centeno, président de l’Eurogroupe, a évoqué une fourchette de 700 à 1.500 milliards d’euros, tandis que Bruno Le Maire, ministre français de l’Economie, a suggéré une somme de l’ordre de 1.000 milliards.
Mais comment financer ce plan ? Emmanuel Macron plaide, avec huit autres dirigeants européens, pour un endettement commun. Le président français défend la création d’un fonds, qui émettrait une dette commune, pour financer les Etats membres en fonction de leurs besoins. C’est ce que certains appellent les « coronabonds » (formé du préfixe corona, et de bond, un mot anglais désignant une obligation, c’est-à-dire un rachat de dette). Mais l’idée divise les 27 : si l’Italie et l’Espagne, entre autres, partagent cette initiative, l’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres pays du nord sont opposés à une mutualisation de la dette. « Ils n’ont pas confiance dans la gestion des finances publiques d’un certain nombre de pays, dont le nôtre », explicite Christian Lequesne.
« La solidarité européenne est une obligation », résume l’Elysée au sujet de la position française, qui se heurte toutefois au principe de réalité. « Les lignes ont beaucoup bougé, et certains pays s’ouvrent à l’idée d’un endettement commun. Mais jeudi sera une étape », estime la présidence. Du côté des pays du Nord de l’Europe comme de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’idée d’un financement d’un plan de relance par un emprunt de l’Union européenne elle-même semble en effet avoir fait son chemin. L’Elysée reste malgré tout prudent, présumant que « les discussions vont se prolonger pendant plusieurs semaines » et pourraient n’aboutir qu’en juin.
La question des frontières
C’est l’autre dossier sensible. Concernant les frontières entre Etats membres, les 27 ont réagi en ordre dispersé face à l’épidémie, certains fermant leurs frontières ( l’Espagne, la Pologne, entre autres), d’autres rétablissant des contrôles (l’Allemagne par exemple). Paris est favorable à une réouverture rapide des frontières intra-européennes, mais le sujet devrait faire débat ce jeudi.
« Si l’UE veut une reprise économique, il va de soi que la fermeture des frontières intérieures est contradictoire avec l’idée de libre circulation des biens et personnes dans le marché commun », souligne Christian Lequesne.
Quant aux frontières extérieures, elles pourraient rester fermées « au moins jusqu’à l’été », estime-t-on à l’Elysée. Mais il n’y a pas, à ce stade, de consensus chez les 27 sur une éventuelle date.
Une question de survie pour l’UE ?
Un accord sur un mécanisme financier pour aider les pays les plus en difficulté est crucial pour Bruxelles, alors que la gestion européenne de l’épidémie de coronavirus ravive l’euroscepticisme dans plusieurs Etats, notamment en Italie, déjà marquée par la crise migratoire il y a quelques années. « Le parti d’extrême droite de Matteo Salvini martèle que l’Europe ne fait rien pour l’Italie, cela met le chef du gouvernement Giuseppe Conte dans l’embarras, et l’oblige à tenir un discours dur vis-à-vis de Bruxelles », constate Christian Lequesne.
La lutte contre la montée de l’euroscepticisme ne sera pas le seul argument des Etats pro-coronabonds lors de ce sommet. Ils pourront aussi mettre en avant des éléments plus pragmatiques. « Les économies néerlandaises et allemandes reposent sur les exportations, or si les pays du Sud de l’Europe ne consomment plus, cela leur nuira. L’Italie et la France peuvent aussi brandir le risque d’une nouvelle crise monétaire de la zone euro, si les membres du Nord les laissent s’enfoncer seuls dans la récession », avance Christian Lequesne. Comme souvent, « la position allemande est clé », estime le spécialiste de l’UE.
Un sujet pourrait faire plus facilement consensus, celui de la souveraineté européenne en matière de médicaments et de matériel sanitaire comme les masques, ou les respirateurs. Sur ce sujet au moins, Paris et Berlin sont déjà d’accord.
Source : 20 Minutes