Cameroun: “Le retour à l’école est perçu par les séparatistes radicaux comme une défaite”

Trois élèves et une enseignante ont été tués le 24 novembre dans l’attaque d’un lycée du Sud-Ouest séparatiste du Cameroun. Si l’attaque n’a pas été revendiquée, l’école est très souvent prise pour cible par les groupes armés. Pour un spécialiste, cette recrudescence des attaques est une manifestation de l’échec de la cause séparatiste.

 Dans la guerre qui oppose l’armée régulière camerounaise aux groupes armés séparatistes dans les régions anglophones du Cameroun, l’école est de plus en plus prise pour cible. Et pourquoi?

Dernière atrocité en date, trois élèves et une enseignante tués, mercredi 24 novembre, dans l’attaque d’un lycée de la région du Sud-Ouest séparatiste. Selon des témoins, des hommes armés non identifiés se sont introduits dans l’enceinte de cet établissement avant d’ouvrir le feu, usant également d’engins explosifs et faisant aussi plusieurs blessés graves.
L’école comme cible régulière
Si l’attaque n’a pas encore été revendiquée, le boycott des écoles fait partie de la stratégie des séparatistes. Depuis le début de ce conflit, les milices continuent de lutter contre la reprise des cours dans ces deux régions du Cameroun. On y a très souvent enregistré des offensives contre les établissements scolaires restés ouverts et des prises d’otages. En octobre 2020, au moins sept élèves ont été tués et une douzaine d’autres blessés dans l’attaque d’une école à Kumba dans le Sud-Ouest anglophone du Cameroun. Un massacre attribué aux groupes séparatistes qui sévissent dans la région. Les auteurs de ces attaques avaient été rattrapés et condamnés à mort en septembre dernier. Ils ont été reconnus coupables de “meurtre, terrorisme, hostilité à la patrie, sécession”.

Début novembre, une attaque s’est produite à l’université de Buea dans le Sud-Ouest anglophone où une dizaine d’étudiants ont été blessés suite à l’explosion d’une bombe dans un amphithéâtre. Depuis 2017, les écoles sont fermées dans plusieurs localités de ces deux régions et beaucoup n’ont jamais rouvert leurs portes. Dans un rapport intitulé “L’éducation en péril en Afrique de l’Ouest et centrale”, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) révélait en 2019 que l’insécurité qui se répandait dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du pays avait forcé plus de 4.400 écoles à fermer dans ces zones et privé 609.000 enfants de scolarisation.
Le discrédit de la cause séparatiste
En 2017, les séparatistes anglophones ont pris les armes contre le gouvernement de Yaoundé pour revendiquer la création d’un territoire indépendant. Les tensions avaient auparavant commencé en novembre 2016 sous la forme de revendications corporatistes: des enseignants déploraient la nomination de francophones dans les régions anglophones et des juristes désapprouvaient la suprématie du droit romain au détriment de la Common Law anglo-saxonne. Seulement, au fil des ans, le conflit s’est enlisé et les revendications de départ, constate le docteur Sosthène Efouba, apparaissent comme diluées dans la criminalité rampante.

Dans ces régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où vivent la majorité des anglophones du pays, l’armée et les groupes séparatistes s’affrontent quasi quotidiennement, prenant en tenaille les civils, victimes collatérales d’exactions des deux camps. Selon le dernier rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) publié en février 2021, ce conflit a déjà fait plus de 3.500 morts civils et militaires et poussé plus de 700.000 personnes à abandonner leurs foyers. Des milliers d’hommes et de femmes y ont besoin d’assistance.