Au Mali, des milliers de personnes rassemblées pour appeler à la démission du président Keïta

Stringer . / REUTERS L’imam Mahmoud Dicko s’adresse aux manifestants antigouvernementaux, à Bamako, le 11 août 2020.

Des milliers de personnes se sont rassemblées à Bamako, mardi 11 août, réclamant la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), accusé par l’opposition d’avoir mis en place un système « oligarchique et ploutocratique ». Les appels au dialogue de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et la pluie n’ont pas découragé les opposants, rassemblés au son des vuvuzelas dans le centre de la capitale.

Dans une déclaration, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), un des groupes leaders de la contestation, a affirmé que le peuple du Mali avait « droit aux mêmes égards exprimés en faveur de ceux du Burkina Faso, de Gambie, d’Algérie mais aussi du Liban face à des dirigeants corrompus et sans vision constructive ». « Cette façon de gérer […] a conduit le Mali au bord du gouffre et compromet aujourd’hui la stabilité dans le Sahel, voire dans la sous-région », affirme encore le communiqué.

Deux mois après le début des manifestations, le mot d’ordre est le même : « Notre objectif est la démission d’IBK et de son régime », selon Issa Kaou Djim, responsable de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’imam Mamoud Dicko, figure de proue du mouvement de contestation.

« Il est temps qu’on se parle »

« Même si on n’a pas aimé la manière de faire de la Cédéao, nous les remercions pour leur geste. Mais il est temps qu’on se parle entre Maliens », a déclaré l’imam Dicko. « Si IBK ne nous écoute pas, il verra. Je jure devant Dieu : il verra mais ne soyons pas pressés. Nous allons gagner cette victoire, mais de façon pacifique », a-t-il ajouté lors de la manifestation, qui a fini sans incident.

Les pancartes brandies par les manifestants visaient le président Keïta, au pouvoir depuis 2013, mais aussi son premier ministre, Boubou Cissé, selon des correspondants de l’AFP. C’est la première manifestation contre le pouvoir depuis la trêve annoncée le 21 juillet par l’opposition lors de la fête musulmane de l’Aïd al-Adha. Dix jours plus tôt, une manifestation à l’appel de l’opposition avait dégénéré en un week-end de troubles meurtriers, les plus graves à Bamako depuis le coup d’Etat de 2012.

Ces violences ont exacerbé les tensions dans ce pays meurtri par des années de violences djihadistes et intercommunautaires et frappé par le coronavirus. La crise actuelle, qui fait craindre à la communauté internationale que le Mali s’enfonce dans le chaos, a vu le jour début juin, après l’invalidation d’une trentaine de résultats des législatives de mars-avril par la Cour constitutionnelle, dont les membres ont depuis lors été remplacés.

La contestation est menée par le M5-RFP, une coalition hétéroclite de chefs religieux, de responsables politiques et de membres de la société civile. Cette alliance s’est substituée à une opposition classique rendue atone par l’enlèvement en mars de son chef, Soumaïla Cissé, toujours détenu par de présumés djihadistes. Les manifestants ont réclamé mardi sa libération.

Evasion de cinq détenus

L’appel à manifester a été maintenu malgré l’appel à la retenue de la Cédéao, qui a prôné la constitution d’un gouvernement d’union nationale – auquel l’opposition refuse de participer – tout en excluant un départ forcé du président Keïta. Le principal médiateur de l’organisation ouest-africaine, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, est revenu lundi au Mali. « J’invite les organisateurs des manifestations à faire preuve de retenue. Toute la communauté internationale sait qu’il y a des difficultés au Mali. Nous tentons d’aider le peuple malien à les résoudre », a-t-il dit lors d’une conférence de presse lundi soir.

Les violences se poursuivent toujours dans le reste du pays, dont de vastes régions, au centre et dans le nord, échappent au contrôle de l’Etat malgré la présence de forces de l’ONU, françaises et ouest-africaines. Un gendarme et un gardien de prison ont été tués dans la nuit de lundi à mardi lors d’une attaque menée par un groupe armé contre la gendarmerie et la prison de Kimparana (centre), selon le procureur de la région de Ségou, Dramane Diarra. Cinq détenus « se sont évadés », a indiqué le procureur.

Les forces armées maliennes ont essuyé plusieurs sérieux revers dans la région de Ségou depuis le début de l’année, lors d’attaques revendiquées ou attribuées à de présumés djihadistes. Le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences depuis l’apparition en 2015 d’un groupe djihadiste dirigé par le prédicateur peul Amadou Koufa, qui a rejoint le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance djihadiste du Sahel, affiliée à Al-Qaïda, dès sa création en 2017. Ces violences djihadistes se sont étendues aux pays voisins, Niger et Burkina Faso.

    Source : Le Monde