« L'opposition avait soulevé un nombre important de problèmes. Nous avions demandé qu'elle dépose un dossier devant la justice. Au début elle avait refusé, mais nous sommes très heureux qu'elle ait finalement accepté de présenter un recours car cela a permis au processus de respecter la loi », s’est félicité Mulle Musau, le coordinateur national d’Elog, un groupe d’observateurs kényans qui avait déployé plus de 5 000 observateurs sur le terrain le jour de l’élection.
Si Raila Odinga avait hésité à saisir la Cour suprême – il ne l’avait fait que dans les derniers moments où cela été possible, sous la pression de la communauté internationale –, c’est qu’il gardait en tête son échec de 2013. A l’époque, la Cour avait écarté une partie de son argumentation lors d'une audience préliminaire avant même l'étude des recours finalement tous rejetés, à l'unanimité des six juges.
Dans la foulée, la Cour suprême avait confirmé les résultats de l’élection présidentielle, qui avait vu gagner Uhuru Kenyatta malgré de nombreux problèmes techniques. « Et beaucoup s'attendaient qu'il se passe la même chose aujourd'hui », estime le professeur d’histoire africaine moderne à l’université de Durham (Grande-Bretagne), Justin Willis. Mais cette fois, les juges ont considéré que la procédure n'avait pas été bien suivie et que les élections devaient être invalidées.
Une décision qui fait débat au sein même de la Cour suprême
« Deux juges étaient contre l'annulation. L'un d'eux a dit que même s'il y avait eu des anomalies, elles n'étaient pas de nature à modifier le résultat final, rappelle Justin Willis. Mais la majorité des juges ont décidé que ce n'était pas de leur ressort de savoir quelles étaient les conséquences sur les chiffres définitifs. Ils ont dit : "si vous n'avez pas bien fait les choses, vous devez les refaire". »
« Nous saluons le fait que l'annulation de l'élection vienne de la plus haute institution judiciaire du pays. C'est la voie officielle à suivre », affirme pour sa part l’observateur de l’Elog Mulle Musau. Selon lui, les juges « disent que la Commission électorale n'aurait pas respecté la loi. La question c'est : est-ce que ces irrégularités justifient l'annulation du scrutin ? Nous attendons les détails du jugement. » Ces détails, la Cour suprême devra les publier d’ici 21 jours.
Pour l'heure, le président de la Cour, David Maraga, a simplement expliqué sur des « irrégularité et illégalités ont affecté l'intégrité du vote. » Il est notamment reproché à la Commission d'avoit trop tardé à transmettre les résultats : Uhuru Kenyatta avait été proclamé vainqueur avant la fin du processus. La Commission aurait aussi trop tardé à publier les procès-verbaux en version papier, ce qui ouvre la voie à de possibles falsifications, selon la Cour suprême.
« Certains ne seront pas d'accord mais l'important pour moi, c'est que le processus officiel de contestation ait été suivi et respecté », se félicite Mulle Musau. « Pour les Kényans, cette décision réaffirme un principe crucial : la Constitution passe avant tout, abonde Isaac Okero, président de la principale association du barreau kényan. C'est une victoire du droit ! »
Avec RFI