« Au Mali et en Éthiopie, les investisseurs peuvent promouvoir la paix »

© Bruno Levy pour JA Le Sénégalais Makhtar Diop est le premier dirigeant subsaharien aux commandes de IFC, filiale du groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé.

Entre défis climatiques et risques sécuritaires, le directeur général d’IFC (filiale du groupe de la Banque mondiale) revient pour Jeune Afrique sur plusieurs sujets majeurs de l’actualité.

Jeune Afrique : Un navire transportant illégalement des tonnes de déchets plastiques a été saisi au Sénégal, en mai. Au Cameroun, en juin, des ONG ont dû nettoyer elles-mêmes le canal du Wouri… Comment les pays africains peuvent-ils relever le défi de la protection de leur environnement ?

Makhtar Diop : Légiférer pour réduire les déchets et améliorer les standards est important mais insuffisant sans investissements dans les filières de traitement et de valorisation des déchets. J’ai récemment eu une conversation passionnante avec l’acteur hollywoodien Don Cheadle sur la justice climatique. Les premières victimes du dérèglement climatique sont celles qui y contribuent le moins. C’est un fait qu’il faut prendre en compte.

Les négociateurs africains se sont réunis début juin en Égypte pour préparer la COP 26, qui aura lieu en novembre en Écosse. Quelles devraient être les priorités du continent ?

Je crois que la crise actuelle a provoqué une prise de conscience collective quant à la nécessité de transformer notre façon de consommer et de travailler afin de promouvoir une croissance plus équitable et plus respectueuse de l’environnement. Cet élan est porté non seulement par les jeunes et la société civile, mais aussi par les gouvernements. Il faut repenser les investissements basés sur un modèle de croissance obsolète. Je pense que l’Afrique doit miser sur ses ressources solaires, éoliennes et hydroélectriques pour produire une énergie verte et combler son retard.

L’accent doit aussi être mis sur l’adaptation au changement climatique. L’agriculture climato-intelligente, par exemple, peut aider les pays du Sahel à faire face à leurs énormes défis. Enfin, les emprunts obligataires verts et sociaux peuvent contribuer à financer les investissements nécessaires. Nous sommes d’ailleurs l’une des institutions pionnières en la matière.

Ces dernières années, les acteurs privés avaient accru leurs investissements dans des pays qui sont aujourd’hui en crise, comme le Mali ou l’Éthiopie. Comment les rassurer ?

Il faut insister sur le fait qu’ils ont un rôle fondamental à jouer pour promouvoir la paix et la stabilité. Il faut aussi les accompagner en réduisant les risques auxquels ils font face. C’est un objectif de la « fenêtre dédiée au secteur privé » que nous avons créée.

Au cœur de notre nouvelle stratégie, il y a l’idée de créer des marchés dans les zones fragiles. L’objectif est que d’ici à 2030, 40% de nos investissements soit réalisés dans les pays pauvres, contre 20 % aujourd’hui, un chiffre qui a déjà doublé en dix ans.

 Source: jeune Afrique