Nigeria: après un «mardi sanglant», les violences se poursuivent à Lagos

Ademola Olaniran/Lagos State Government/Handout via REUTERS Des blessés à l'hopital de Lagos lors de la visite du gouverneur de l'État, Babajide Sanwo-Olu. Le 21 octobre 2020.

Le Nigeria se réveille sous le choc, au lendemain d’un « mardi noir », d’« un mardi sanglant », comme titrent les journaux, marqué par une éruption de violence à travers tout le pays et particulièrement dans la mégalopole de Lagos. Dans cette grande ville, les forces de sécurité ont brutalement dispersé les jeunes qui manifestaient contre les violences policières, faisant plusieurs morts selon Amnesty International. 

 De nombreux habitants sont calfeutrés chez eux à Lagos, ville – et État – de 20 millions d’habitants où le couvre-feu, en vigueur depuis mardi soir, vient d’être étendu pour 72 heures. Ce mercredi, on rapporte des pillages et des incendies dans plusieurs quartiers, où de nombreuses rues sont bloquées par des barrages de fortune dressés par des bandes en colère.

Des banques et un péage ont aussi été incendiés dans les quartiers d’affaires, à proximité du lieu où les forces de sécurité sont intervenus mardi soir pour disperser, à balles réelles, les manifestants qui occupaient un axe majeur depuis plus d’une semaine. Ces derniers protestaient contre les brutalités policières et manifestaient pour la bonne gouvernance dans leur pays.

tn

Plusieurs bus ont également été incendiés mercredi dans une gare routière au nord de la ville, les locaux d’une télévision locale sont partis en fumée et des hommes ont pris pour cible le palais d’un chef traditionnel de Lagos, au cœur de la ville.

On rapporte aussi des tirs sporadiques de la police dans d’autres quartiers de la mégalopole, a priori pour faire respecter le couvre-feu en vigueur depuis mardi.

Cinq États sous couvre-feu

Mais il n’y a pas qu’à Lagos que la situation est volatile. Désormais, ce sont cinq États nigérians sur les 36 que comptent le pays qui sont sous couvre-feu. Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché certains manifestants de sortir à nouveau dans la rue ce mercredi, notamment dans l’État d’Edo, où le couvre-feu a été étendu pour une durée indéfinie.

La situation est en effet extrêmement tendue depuis lundi dans cet État, où près de 2 000 détenus ont été libérés par des bandes de casseurs, selon les autorités.

Le gouverneur de l’État d’Edo a déclaré que toute personne qui sortirait dans la rue devrait faire face à la police anti-émeute, qui a été déployée mercredi soir sur tout le territoire nigérian.

Malgré cette irruption de violence, le président Muhammadu Buhari ne s’est toujours pas exprimé publiquement. Parmi les réactions politiques, on note celle du gouverneur de Lagos, qui a pris la parole et diffusé des photos de sa visite dans un hôpital de la ville. Il a confirmé la mort d’une personne et fait état officiellement d’une vingtaine de blessés. « C’est la nuit la plus difficile de nos vies, a notamment déclaré Babajide Sanwo-Olu, des forces sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle ont assombri notre histoire ».

L’appel de Joe Biden

Le gouverneur a indiqué qu’une enquête allait être ouverte suite à la fusillade de mardi soir, sur le péage de Lekki, qui a eu lieu deux heures avant le début officiel du couvre-feu à Lagos.

Quant aux responsables de l’armée, ils se refusent à tout commentaire concernant une intervention de leur part dans la mégalopole, malgré de nombreuses vidéos montrant les militaires en action près du lieu de rassemblement plongé quelques minutes auparavant dans le noir absolu.

Le candidat démocrate à la présidentielle américaine Joe Biden a publié ce mercredi un communiqué pour demander au « président Buhari et à l’armée nigériane de cesser sa répression contre les manifestants au Nigeria, qui a déjà causé de nombreux morts ».

Au moins 18 personnes, dont deux policiers, sont mortes depuis le début du mouvement pacifique de la jeunesse nigériane, qui a finalement basculé dans le chaos.

   Source : rfi