Mort de Thomas Sankara: la justice décide de la mise en accusation de l’ex-président Compaoré

La tombe de Thomas Sankara à Ouagadougou, Burkina Faso. Siegfried Forster / RFI

Ce mardi, le tribunal militaire a décidé de la mise en accusation de l’ex-président Blaise Compaoré pour attentat à la sureté de l’État, complicité d’assassinat et recel de cadavres dans le dossier de l’assassinat de l’ancien chef de l’État Thomas Sankara. Gilbert Diendéré, ancien bras droit de Blaise Compaoré, est lui aussi poursuivi. Au total, 14 personnes doivent comparaître devant le tribunal dans ce dossier.

Poursuivi pour attentat à la sureté de l’État, complicité d’assassinat et recel de cadavres, l’ex-président devra se présenter devant le tribunal pour un procès. Selon la décision judiciaire, il existe suffisamment de charges contre l’ancien dirigeant pour les faits de recel de cadavres et le tribunal maintient le mandat d’arrêt international contre celui qui vit en exil en Côte d’Ivoire.

Presque 34 ans après la mort du président Thomas Sankara, « l’heure de la justice a enfin sonné, un procès peut s’ouvrir, il n’appartient plus maintenant qu’au procureur militaire de programmer la date de l’audience ». Telle était la réaction mardi de Me Guy Hervé Kam, avocat des familles Bamouni, Kiemdé et Sawadogo, après confirmation des charges contre l’ex-président Blaise Compaoré, qui présida le Burkina Faso pendant 27 ans (1987-2014) après la mort de celui qui était son frère d’armes.

« Que justice soit rendue »

« J’espère que l’ex-président Blaise Compaoré, en toute responsabilité, volontairement et librement, comparaîtra à ce procès pour donner sa version des faits. Que toutes les parties aient l’opportunité de s’exprimer, que l’on sache la vérité dans cette affaire, et que justice soit rendue. Je pense que ce que les familles attendent principalement de cette procédure, c’est la vérité », déclare Me Prosper Farama, l’un des avocats de la famille Sankara.

Mandat maintenu aussi pour Hyacinthe Kafando, poursuivi pour assassinat et attentat à la sureté de l’État. Il est le présumé chef du commando qui a procédé à l’assassinat du capitaine Thomas Sankara et ses compagnons. Hyacinthe Kafando est en fuite depuis 2015. Également accusé dans cette affaire, le général Gilbert Diendéré, proche de Blaise Compaoré. Dans ce dossier, quatorze personnes sont renvoyées devant la justice.

Dans le même temps, le tribunal militaire a ordonné la mise en détention de toutes les personnes dont les charges ont été confirmées. Les mandats d’arrêt sont donc maintenus contre ceux qui sont à l’étranger. « S’ils ne se présentent pas devant le tribunal, ils seront jugés par contumace » explique un magistrat.

Fin de plusieurs années d’enquête et de procédure

L’équipe de défense du général Gilbert Dienderé, détenu aujourd’hui dans le cadre d’un autre dossier (il purge une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d’État en 2015), avait soulevé l’exception de prescription. Étant donné que l’affaire n’avait connu de traitement judiciaire durant des dizaines d’années, elle devrait être considérée comme prescrite, selon ces avocats qui évoquaient les textes en vigueur. Une exception rejetée par le tribunal.

« Nous ne sommes pas du tout satisfaits de cette décision. La cause était déjà entendue sur le plan de la prescription. Je ne sais pas pourquoi on insiste, on persiste, pour maintenir cette affaire et maintenir l’opinion publique dans un espoir qui n’existe pas, à mon sens », réagit Me Mathieu Somé, l’avocat du général Gilbert Diendéré.

Toutes les pièces du dossier devront être transmises à la juridiction de jugement. Parmi ces pièces figurent certains effets personnels du capitaine Thomas Sankara, des rapports d’enquête et des rapports d’autopsie après exhumation des corps.

En revanche, il n’y aura pas de procès pour cinq autres personnes qui étaient citées dans l’affaire, mais qui sont décédées. Parmi elles figurent Nacoulma Wampasga, le colonel-major Alain Laurent Bonkian, Tasseré Dianda ou encore Salam Yerbanga.

Thomas Sankara était un président adulé par la jeunesse de son pays. Elle avait vu en lui notamment l’homme capable de lutter contre la corruption. Sa mort avait provoqué un immense choc en octobre 1987 quand le leader de la révolution et 12 de ses compagnons étaient abattus criblé de balles en pleine réunion à Ouagadougou. Ce futur procès, dont la date n’est pas connue pour le moment, est le résultat de plusieurs années de procédure et d’une enquête bouclé fin 2020 par le juge d’instruction. Mais au vu des lourdes charges retenues contre lui, beaucoup anticipent déjà l’absence à la barre de Blaise Compaoré qui possède également la nationalité ivoirienne. 

 Source: Rfi