Guinée: les putschistes rassurent les acteurs économiques

AFP - JOHN WESSELS Un membre des forces de sécurité guinéennes dans le palais du Peuple où se tiennent les concertations à Conakry (image d'illustration).

La série de concertations entre les auteurs du putsch qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre et les acteurs de la société guinéenne se terminent ce vendredi au palais du Peuple à Conakry.

Les concertations nationales initiées par la junte qui a pris le pouvoir le 5 septembre se poursuivent en Guinée. Après les partis politiques, la société civile, les coordinations régionales, les chefs religieux et les diplomates, jeudi 16 septembre, les militaires du Comité national de rassemblement et du développement (CNRD) avaient convié les acteurs économiques. Parmi les priorités exprimées : la lutte contre la corruption.

Lutte contre la corruption

Interrogée par notre envoyée spéciale à Conakry, Charlotte Idrac, Delphine Rebecca Kolamou dirige une société dans le secteur des BTP depuis cinq ans. Elle a plusieurs fois failli céder au découragement. « C’est plein d’obstacles parce que pour l’obtention du marché, il faut être dans un réseau bien défini et du côté de l’État aussi, raconte-t-elle. Et vous arrivez à avoir le marché auprès d’eux, l’État est un mauvais payeur. Nous sommes endettés. L’État nous doit. Nos fournisseurs sont fatigués et ils n’ont pas confiance. »

Un mauvais climat des affaires et de mauvaises habitudes qui doivent changer, selon Cherif Mohamed Abdallah Aïdara, président du Groupe organisé des hommes d’affaires (Goha) et chef d’entreprise. Opposant au troisième mandat d’Alpha Condé, il avait quitté la Guinée début janvier 2020. « Les principaux problèmes sont un problème de sécurité, de copinage, de marchés de gré à gré. Ces dix dernières années, on n’a même pas pu obtenir de marché tellement il y a de favoritisme. Tant que vous n’êtes pas dans leur parti politique, ils ne vont pas vous accorder certains avantages. »

Le pays regorge de ressources minières, mais les infrastructures publiques ne suivent pas, notamment le réseau routier. « Compte tenu de l’état de dégradation de nos routes, nous voulons leur demander de continuer les travaux des routes. Parce que c’est un projet qui traîne », pointe Frébory Donzo, président de l’Union nationale des transporteurs routiers de Guinée (UNTRG).

D’après le dernier indice de perception de la corruption de Transparency International en 2020, la Guinée est classée à la 137ᵉ place sur 180.

Le secteur minier satisfait

Les opérateurs miniers ont justement également rencontré le colonel Mamady Doumbouya, le nouvel homme fort de la Guinée, jeudi. Tous arboraient le sourire à l’issue de cette rencontre. Le chef de la junte a donné des réponses appropriées aux préoccupations du secteur minier, a déclaré le président de la Chambre des mines de Guinée, Ismaël Diakité, très satisfait de la rencontre avec le colonel Mamady Doumbouya. « Vous savez, le secteur minier a beaucoup de préoccupations, parce que c’est un secteur qui est à la fois complexe, mais aussi un secteur qui est très dynamique avec une pluralité d’investisseurs de différentes origines, avec différentes exigences, a-t-il détaillé au micro de Mouctar Bah. Donc chacun est venu en fonction du domaine où il travaille, chacun a posé ses préoccupations. »

De la bauxite, de l’or, du fer ou encore des diamants, un secteur complexe et varié. Les opérateurs miniers ont-ils peur d’une éventuelle révision des contrats miniers par les nouvelles autorités guinéennes ? « Aucune crainte, selon Ismaël Diakité. Depuis les premières heures, je crois que les décisions étaient en faveur du secteur minier, qu’il s’agisse du couvre-feu ou de la stabilisation des conventions. Il y a des déclarations qui nous ont rassurés. »

Depuis le coup d’État en Guinée, le cours de l’aluminium a augmenté sur le marché mondial allant de 2 400 à 3 000 dollars la tonne (2 000 euros à 2 500 euros environ). « Depuis 13 ans, ce n’était pas arrivé à ce niveau-là, souligne le président de la Chambre des mines de Guinée. Il faut comprendre que la Guinée joue un rôle important dans l’approvisionnement de toute la chaîne de valeurs de la bauxite jusqu’à l’aluminium. »

Entamées mardi dernier, ces journées de concertation à l’initiative des nouveaux maîtres de Conakry, emmenés par le colonel Mamady Doumbouya, doivent prendre fin ce vendredi avec les directeurs de banques et les centrales syndicales.

 Source: Rfi