Bombardement de Bouaké: l’ancien ministre togolais de l’Intérieur François Boko témoigne

Le camp militaire français de Bouaké, en Côte d'Ivoire, après le bombardement du 4 novembre 2004. AFP/Philippe Desmazes

Un témoignage très attendu, jeudi 8 avril, au procès du bombardement de Bouaké, dans lequel 9 militaires français avaient été tués le 6 novembre 2004. Le ministre togolais de l’Intérieur de l’époque, François Boko, entendu par visioconférence, a détaillé comment, alors qu’il avait mis les auteurs présumés du raid à disposition des autorités françaises le 16 novembre, celles-ci ont refusé de s’en saisir. Une inaction très dommageable pour l’enquête, puisqu’il est désormais établi que le pilote présumé et accusé dans ce procès, Yuri Sushkin, faisait bien partie du groupe.

Après le bombardement, craignant que « l’onde de choc » ne touche son pays, raconte François Boko, il envoie les services spéciaux en renfort aux frontières. Une Biélorusse connue de ses services comme la secrétaire du marchand d’armes Robert Montoya attire leur attention : elle passe la frontière et revient du Ghana à bord d’un minibus avec 8 Biélorusses et 2 Ivoiriens.

Les déclarations peu cohérentes de ces hommes sur leur profession et leur provenance renforcent les suspicions qui remontent jusqu’au chef de l’État. « Le général Eyadema donne le feu vert » pour alerter la France, affirme François Boko, qui contacte d’abord le représentant des renseignements, ancien camarade de promotion de Saint-Cyr. « Je lui dis de manière triviale : “J’ai sûrement les mercenaires qui ont assassiné vos hommes, ça vous intéresse ?” », relate l’ex-ministre, qui fournit photocopies des passeports et empreintes.

« Quelque temps après, poursuit François Boko, il me dit que sa hiérarchie n’en veut pas. Je me tourne alors vers l’attaché de sécurité intérieure. Hélas, lui aussi répond négativement et je me retrouve avec la patate chaude. » L’ex-ministre souligne même avoir fait « de la gym » juridique pour prolonger légalement la détention du groupe, « en attendant que la France puisse réagir si elle le voulait », avant de prendre un arrêt d’expulsion au bout de « 2 semaines ».

« Vos interlocuteurs, veut savoir le président, ont-ils dit avoir reçu consigne de ne pas s’en occuper ou pas de réponse du tout ? » « Je suis formel, affirme François Boko, que ce soit le représentant de la DGSE ou l’attaché de sécurité intérieure, la réponse a été : “Nous avons reçu l’ordre de ne rien faire, Paris n’est pas intéressé par ces Biélorusses”… Même si l’attaché de sécurité intérieure a précisé que sa hiérarchie considérait que, s’agissant de militaires, ça concernait plus la DGSE et les renseignements militaires. »

L’ex-ministre dit leur avoir fait part de son étonnement, car « même s’il n’y avait de certitudes, il y avait quand même de fortes présomptions », souligne-t-il, contre ces hommes. Comment s’explique-t-il aujourd’hui l’inaction française ? « Dans cette fonction, pointe-t-il, on en voit des vertes et des pas mûres, on n’est pas à une contradiction près. »

 Source: Rfi