Au Mali, l’armée française affirme avoir tué un chef d’AQMI impliqué dans le rapt des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon

Des soldats français de l’opération « Barkhane » s’apprêtent à quitter le Mali après que la France a annoncé la suspension des opérations militaires conjointes, le 9 juin 2021. AP

La ministre des armées, Florence Parly, a annoncé vendredi que l’armée française a tué, samedi 5 juin, un chef djihadiste d’Al-Qaida au Maghreb islamique impliqué dans l’assassinat de deux journalistes français de RFI en 2013.

L’armée française a tué, samedi 5 juin, dans le nord du Mali, un chef djihadiste d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) responsable du rapt, en novembre 2013, de deux journalistes français de Radio France internationale (RFI), tués après avoir été pris en otage, a annoncé vendredi 11 juin la ministre des armées, Florence Parly.

« Le 5 juin, les militaires de “Barkhane” ont détecté la préparation d’une attaque terroriste à Aguelhok, dans le nord du Mali » et ont « éliminé quatre terroristes », parmi lesquels « Baye Ag Bakabo, cadre d’AQMI et responsable du rapt de nos concitoyens » Ghislaine Dupont et Claude Verlon, a-t-elle ainsi déclaré.

« Sa neutralisation met fin à une longue attente, mes pensées vont aujourd’hui aux familles, aux proches, aux confrères et aux consœurs » des deux journalistes assassinés, a ajouté Florence Parly.

France Médias Monde, la société à laquelle appartient RFI, a réagi vendredi en fin de journée à travers un communiqué, disant « attendre que l’enquête judiciaire, toujours en cours, sur l’assassinat de ses deux reporters permette d’éclaircir totalement les circonstances du drame, et aboutisse à l’arrestation de l’ensemble des membres du commando restants et de leurs complices éventuels afin qu’ils soient jugés ».

Le 2 novembre 2013, les deux journalistes français de RFI, âgés respectivement de 57 et 55 ans, avaient été enlevés lors d’un reportage puis tués près de Kidal, quelques mois après l’opération française « Serval » destinée à empêcher une colonne armée de djihadistes de s’emparer de Bamako. Leurs corps avaient été retrouvés moins de deux heures plus tard à une douzaine de kilomètres du lieu de leur enlèvement. Le 6 novembre, AQMI avait revendiqué leur assassinat. Mais les circonstances précises de leur décès n’ont jamais été élucidées.

Le mois dernier, leurs proches avaient réclamé « un débat public au Parlement » sur « le secret-défense » entravant selon eux l’enquête sur cette affaire. Peu auparavant, l’ancienne rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, avait elle aussi exprimé sa « vive préoccupation quant à l’absence de justice » dans l’enquête en France sur ce double assassinat.

Elle déplorait notamment l’absence de mandat d’arrêt international malgré l’identification des suspects « depuis plusieurs années ». Mais aussi « l’absence de coopération de la part des autorités militaires françaises – dans le cadre de la protection du secret-défense – et des autorités maliennes ».

« Faire tomber les chefs »

Baye Ag Bakabo n’est pas la première figure du djihadisme sahélien à tomber sous les balles de la France. Le chef historique d’AQMI, l’Algérien Abdelmalek Droukdal, avait été tué en juin. Un sort aussi réservé en novembre à Ba Ag Moussa, décrit comme le « chef militaire » du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, et un « cadre historique de la mouvance djihadiste au Sahel ».

Vendredi, Mme Parly s’est félicitée de ce nouveau succès, qui, selon elle, « illustre l’une des principales priorités de la France au Sahel : faire tomber les principaux chefs des groupes terroristes qui sévissent dans la région », le GSIM et l’EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) lié à Daech.

Il permet aussi aux autorités françaises de légitimer le virage stratégique majeur annoncé jeudi par le président Macron avec la fin prochaine de l’opération antiterroriste française « Barkhane » au Sahel, au profit d’un dispositif international plus léger d’appui et d’accompagnement au combat des troupes locales, et au prix d’une montée en puissance espérée des Européens et d’un investissement majeur des pouvoirs africains.

Concrètement, la France souhaite ne plus essayer de sécuriser de vastes zones où les Etats n’arrivent pas à garder pied, pour se concentrer sur la lutte ciblée contre les djihadistes. Une réorientation qui intervient alors que l’élection présidentielle de 2022 se rapproche et que l’effort militaire suscite des interrogations croissantes en France, notamment au regard des 50 soldats tués au combat depuis 2013.

« L’objectif demeure : la France reste engagée contre le terrorisme international, aux côtés de pays sahéliens, et pour la sécurité de l’Europe et des Français », a conclu Mme Parly. Et elle continue de poursuivre les chefs, y compris ceux avec lesquels les militaires au pouvoir à Bamako veulent négocier. Notamment Iyad Ag Ghaly, chef du GSIM, responsable de très nombreuses attaques au Mali, au Burkina Faso et au Niger, clairement désigné comme l’objectif prioritaire de la France.

 Source: Le Monde