Guinée : un recensement suspendu, une transition incertaine

Le recensement de la population en Guinée est une étape clé pour le retour à l’ordre constitutionnel.

Initié en novembre dernier par le gouvernement de transition, le Recensement Administratif à Vocation d’État Civil (RAVEC) devait permettre d’établir un fichier électoral fiable. Mais alors que le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, s’est engagé à fixer la date du référendum constitutionnel d’ici à fin mars, des doutes grandissent sur l’avancement réel de l’opération. Les critiques s’intensifient, notamment parmi les agents recenseurs qui pointent du doigt un arrêt des activités et un manque criant de moyens.

Un processus paralysé sur le terrain

Si les autorités affirment que le retour à l’ordre constitutionnel est prévu pour 2025, les témoignages des agents recenseurs jettent une ombre sur cette ambition. Ousmane (nom d’emprunt), un agent en activité dans la commune de Lambanyi à Conakry, décrit une réalité bien différente. Selon lui, depuis le 10 février dernier, les opérations de recensement ont été totalement suspendues par le ministère de l’Administration territoriale, officiellement pour des raisons techniques liées aux tablettes utilisées sur le terrain. Mais cette explication peine à convaincre alors que dans plusieurs préfectures, le processus n’a même jamais démarré.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Les jeunes recenseurs, chargés d’enregistrer non seulement la population existante mais aussi les nouveaux-nés, doivent traiter un minimum de 25 dossiers par jour. Une cadence jugée intenable dans les délais imposés par le gouvernement. De plus, les agents sont peu nombreux, mal formés et réménérés à hauteur d’environ 100 euros par mois, avec des arriérés de salaires accumulés. Pour Ousmane et ses collègues, une mission de cette ampleur nécessiterait au moins deux ans de travail rigoureux pour aboutir à des résultats fiables.

Un contraste avec la Guinée-Bissau

Pendant ce temps, la Guinée-Bissau vient de lancer son propre recensement national avec une approche technologique avancée. L’utilisation de prises d’images satellite et de tablettes modernes pour la collecte des données devrait permettre d’obtenir des informations plus précises et fiables. Ce processus, supervisé par l’Institut national de la statistique (INE), mobilise 200 agents spécialement formés, contrastant avec la situation chaotique en Guinée.

Alors que le gouvernement guinéen persiste à prévoir une présidentielle pour cette année et un retour à l’ordre constitutionnel en 2025, les faits sur le terrain indiquent une réalité bien différente. L’avenir du processus électoral repose d’abord sur la crédibilité du recensement, qui, pour l’heure, semble être au point mort.