Lundi, deux pays africains ont pris part à des discussions avec les sept puissances du G7, il s’agit de l’Afrique du Sud et du Sénégal. La présence des deux pays soulève plusieurs interrogations. La comprendre nécessite d’aller au-delà des raisons avancées par les pays du G7.
NOUS SOMMES LES GENTILS
Selon l’hôte du sommet, le chancelier allemand, Olaf Scholz, cette invitation devrait montrer que : « la communauté des démocraties ne se résume pas à l’occident et aux pays de l’hémisphère Nord ». Selon lui les démocraties du futur sont en Afrique.
Cette invitation des deux pays africains intervient alors que la crise entre la Russie et l’Ukraine bat son plein. Plusieurs observateurs y voient d’ailleurs le désir de se faire passer pour les gentils, de la part des sept puissances industrielles qui constituent le G7. Thorsten Brenner, directeur du Think Tank Global Policy Institute (GPPI) a d’ailleurs laissé entendre qu’un dialogue avec ces pays qui sont au bord de la catastrophe alimentaire du fait de la crise en Ukraine est ‘’essentiel’’. Toutefois ceci ne serait que la face visible de ce qui pourrait être une tentative pour rallier l’Afrique au camp occidental au sujet de l’Ukraine.
L’Afrique du Sud, le Sénégal qui a la présidence de l’union Africaine et même l’Inde qui a aussi été invité à ce sommet, sont des pays qui entretiennent d’importantes relations sur le plan économique et même militaire pour le troisième, avec la Russie de Vladimir Poutine ; il a d’ailleurs prôné un rôle renforcé du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en lien avec des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine, le 22 juin dernier lors du forum économique mondial. Des ambitions qui ne sont pas du goût des puissances européennes qui espèrent toujours pouvoir isoler la Russie autant sur le plan diplomatique que sur le plan économique.
RALLIER L’AFRIQUE A L’OCCIDENT FACE A UNE RUSSIE DE PLUS EN PLUS FORTE
Lors du vote d’une résolution de l’Organisation des Nations Unies au début de la crise Russo-Ukrainienne, plusieurs pays d’Asie et d’Afrique parmi lesquels l’Afrique du Sud et le Sénégal s’étaient abstenu. Cette invitation serait donc une tentative pour emmener les deux pays à prendre position à un moment où le conflit semble tendre vers un conflit opposant le bloc des pays de l’Otan, à la Russie de Vladimir Poutine.
Tout récemment, le président sénégalais, également président en exercice de l’UA, Macky Sall, a été reçu au Kremlin par Vladimir Poutine. Entre autres sujets abordé, figurait en bonne place la question de la libre circulation des denrées, pour éviter que l’Afrique ne sombre dans l’insécurité alimentaire.
TROUVER UNE ALTERNATIVE AU GAZ RUSSE
Enfin la dernière raison de cette invitation, mais pas la moindre, c’est le partenariat énergétique. Cette raison concerne plus le Sénégal. Le pays de Macky Sall est considéré comme un futur pays gazier. L’on se souvient qu’après avoir exigé que les pays occidentaux paient désormais son gaz en roubles russe, la Russie a coupé ses livraisons de gaz a plusieurs de ces pays. La question de l’abandon du gaz russe est donc sur la table depuis un bon moment. Les sept, en invitant le Sénégal seraient en train de préparer leurs futurs fournisseurs.
Il faut d’ailleurs noter que de nombreuses ONG de protection de l’environnent, craignent que les pays du G7 ne violent leur engagement de ne plus financer les projets d’énergies fossiles à l’étranger, du fait de la guerre en Ukraine, alors que de nombreux Etats occidentaux peinent à remplacer les importations d’énergie russe.
La présence de l’Afrique du Sud et du Sénégal au tout récent sommet du G7, s’apparente donc à une démarche stratégique de la part des pays industrialisés, qui dans leur désir d’isoler absolument la Russie, essaient à tout prix de reconquérir une Afrique qu’ils sentent leur échapper.
Jean Hugues Ambodo